Illusions perdues (Honoré de Balzac)
Après avoir lu Le Père Goriot, j’ai voulu poursuivre ma découverte de La Comédie humaine d’Honoré Balzac avec un autre roman parmi les plus connus de l’auteur : Illusions perdues, dans cette belle édition de Patrick Berthier chez Le Livre de Poche. Il faut le dire, l’appareil critique est de grande qualité et j’ai lu avec beaucoup d’intérêt la préface et les notes de bas de page de Patrick Berthier.
À Angoulême, David Séchard, un jeune poète idéaliste, embauche dans son imprimerie un ami de collège, Lucien Chardon, qui prendra bientôt le nom de sa mère, Rubempré. Poète lui aussi, il bénéficie d'une sorte de gloire locale et fréquente le salon de Louise de Bargeton à qui le lie bientôt une intrigue sentimentale qui fait tant jaser que tous les deux partent pour Paris.
Voilà bientôt Lucien lancé dans le monde des lettres aussi bien que de la haute société, mais si Paris est la ville des “gens supérieurs”, ce sera également pour lui celle des désillusions. C'est bien la figure de Lucien, en effet, qui donne surtout son unité aux Illusions perdues qui ont d'abord été, de 1837 à 1843, une suite de trois romans devenus plus tard les trois parties de celui que nous lisons, quand Balzac eut conçu le projet de La Comédie humaine et décidé de faire de sa trilogie l'une des Scènes de la vie de province.
Car si Paris reste bien au cœur du triptyque, c'est à Angoulême, néanmoins, que se noue le destin des héros, à Angoulême encore qu'il s'assombrit. Revenu dans sa ville natale, Lucien n'est pas loin d'y sombrer – avant une véritable ascension dont Balzac fera le récit dans un autre grand livre : Splendeurs et misères des courtisanes.
Si Le Père Goriot était relativement court et se lisait facilement, celui-ci est un pavé, parfois à la limite de l’indigeste. Le coeur du récit est passionnant, l’arc narratif autour de Lucien est bien mené, mais Balzac a trop souvent tendance à faire des digressions et à alourdir son texte de détails et de détours tout à fait dispensables, surtout que le lecteur contemporain que je suis.
Le parcours de Lucien est tragique, dans le sens où sa destinée, faite d’ascension et de chute, semble écrite d’avance. Son départ pour Paris, par amour autant que par ambition, pourrait être le début d’une grande carrière, mais aussi le début des tentations et des désillusions. De caractère trop faible, plus attiré par les mondanités faciles que par le travail souterrain, Lucien plonge dans le monde corrompu du journalisme au détriment de sa carrière d’auteur, et il finit par en payer le prix. Tel Icare, Lucien s’approche trop du soleil et chute quand il croit avoir atteint son but. Son retour à Angoulême marque autant la fin de ses illusions que de celles de sa famille sur lui-même.
Malgré les trop nombreuses digressions et longueurs, que l’on peut en partie expliquer par la publication du texte sous forme de feuilleton, je comprends pourquoi ce roman est considéré comme un classique et un chef d’oeuvre de la littérature française. J’ai parfois souffert en lisant certains chapitres rébarbatifs et répétitifs, mais le roman offre également de très beaux moments. Le portrait de la société mondaine parisienne et du milieu du journalisme et des éditeurs est aussi cruel que passionnant.
Je ne sais pas si j’aurai le courage de plonger dans d’autres romans de La Comédie humaine, mais je suis déjà heureux d’avoir pris le temps d’en lire deux oeuvres parmi les plus connues. Cela valait le coup, assurément.
Zéro Janvier – @zerojanvier@diaspodon.fr