La Grâce politique du monastère (Timothée de Rauglaudre)

La Grâce politique du monastère, sous-titré Une utopie pour notre temps, est un essai du journaliste indépendant Timothée de Rauglaudre, publié en avril 2025 au Seuil.

Dans notre monde capitaliste, où les régimes autoritaires se multiplient et les crises écologiques s’amplifient, cet essai propose d’envisager la vie dans les monastères comme une utopie en acte, riche d’enseignements politiques. Si les traditions monastiques naissent d’une « fuite du monde », elles ne lui sont pas pour autant hermétiques. Depuis les Pères et Mères du désert en Orient, puis saint Benoît de Nursie en Occident, elles témoignent même à travers les siècles qu’un mode alternatif d’existence est possible.

C’est à la recherche de ces expériences politiques que l’auteur est parti, au cours d’une enquête à la fois historique et contemporaine auprès d’hommes et de femmes de diverses communautés, du Tarn à l’Isère.

Que signifie, concrètement, mettre ses biens en commun et renoncer à la propriété privée ? Ou encore participer à l’exercice d’un pouvoir délibératif ? La sobriété écologique a-t-elle à apprendre des monastères ? Quelle valeur acquerrait le travail s’il était apprécié indépendamment de sa productivité, comme c’est le cas pour les moines et les moniales ? Quelles perspectives ouvre, dans le contexte de la « crise migratoire », l’hospitalité inconditionnelle qu’ils et elles offrent ?

Autant de pratiques que jamais l’auteur ne pose en modèles, mais dont il montre la fécondité et la puissance libératrice.

J'ai découvert ce livre grâce à un entretien que son auteur avait accordé il y a quelques mois à l'historien Julien Théry dans une émission sur Le Média. Sans cela, je serais peut-être passé à côté, tant son sujet peut sembler éloigné de mes préoccupations habituelles. Heureusement, l'angle choisi par l'auteur, tel qu'il était présenté lors de l'entretien, a attiré ma curiosité. Je dis “heureusement”, car j'ai trouvé cette lecture passionnante et éclairante.

Dans cette enquête, Timothée de Rauglaude propose de considérer le monastère, non pas comme un modèle à suivre, mais comme une source de réflexion sur notre société moderne capitaliste d'inspiration pour nos luttes et nos résistances. Pour cela, il retrace l'historique du monachisme, principalement chrétien, et présente des expériences contemporaines dans des monastères qu'il a eu l'occasion de visiter.

L'auteur aborde plusieurs thématiques : – l'organisation sociale à la fois horizontale (tous les moines ou moniales ont “voix au chapitre”) et verticale (avec l'autorité dite servile de l'abbé, souvent élu par ses pairs) – le refus de la propriété individuelle et la mise en commun des possessions – le rapport au travail, libéré des considérations de performance et d'efficacité – l'hospitalité et le rapport à “l'étranger” (au sens large) – l'écologie, le rapport au territoire et aux limites – la paix et le rapport aux conflits – l'articulation entre lutte et contemplation

Timothée de Rauglaudre ne cache pas qu'il est croyant, converti au catholicisme depuis quelques années, tout en étant engagé dans des luttes d'émancipation sociale. Cela se ressent évidemment, avec de multiples références au texte biblique et à la tradition chrétienne, à laquelle j'ai été assez hermétique. Cela ne m'a pas empêché de trouver ce livre passionnant et enrichissant, à la fois pour ma culture personnelle et comme source de réflexion en tant que citoyen engagé.

J'ai trouvé que tout au long du livre l'auteur fait un excellent travail pour articuler les aspects religieux et politiques, à faire le lien entre ce qui relève d'une part de la religion, de la foi, et d'autre part des enseignements que des militants peuvent en tirer.

Si je peux me permettre ce jeu de mots, ce livre a été pour moi une divine surprise. L'athée que je suis, qui n'a pas reçu d'éducation religieuse, aurait pu passer complètement à côté de ce livre, et cela aurait été dommage car c'est une très belle porte d'entrée vers des réflexions particulièrement riches.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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