L’anthropocène contre l’histoire (Andreas Malm)

Dans cet essai brillant, l'universitaire et militant écologiste radical Andreas Malm étudie et fait la critique du concept d'anthropocène, cette période géologique qui se caractérise par les effets de l'action humaine sur son environnement.

Du delta du Nil aux cercles polaires, le constat est effrayant : la Terre se réchauffe dans des proportions qui nous mènent aujourd’hui au seuil de la catastrophe. Le concept d’Anthropocène, s’il a le mérite de nommer le problème, peine à identifier les coupables et s’empêtre dans le récit millénaire d’une humanité pyromane. Or si l’on veut comprendre le réchauffement climatique, ce ne sont pas les archives de « l’espèce humaine » qu’il faut sonder mais celles de l’Empire britannique, pour commencer. On y apprend par exemple que dans les années 1830 la vapeur était, aux mains des capitalistes anglais, un outil redoutable pour discipliner la force de travail et une arme de guerre impérialiste ; on y suit la progression fulgurante de la machine mise au point par James Watt qui supplante en quelques années la force hydraulique – pourtant abondante et moins chère – dans l’industrie textile anglaise.

En puisant dans les sources de l’histoire sociale, ce livre raconte l’avènement du « capital fossile », ou comment la combustion ininterrompue de charbon a permis de repousser les limites de l’exploitation et du profit.

Il faut couper la mèche qui brûle avant que l’étincelle n’atteigne la dynamite, écrivait Walter Benjamin dans un fragment célèbre, « Avertisseur d’incendie », où il insistait sur la nécessité d’en finir avec le capitalisme avant qu’il ne s’autodétruise et emporte tout avec lui. Pour Andreas Malm, on ne peut pas mieux dire l’urgence contemporaine de défaire l’économie fossile par des mesures révolutionnaires.

La principale critique que l'auteur fait à ce concept, c'est qu'il a tendance à considérer l'humanité d'un seul bloc et donc à masquer les véritables responsables, les véritables coupables.

Dans les deux premiers chapitres, dans lesquels il raconte la révolution industrielle et l'essor de l'Empire britannique au XIXe siècle, il désigne le coupable du changement climatique : le capitalisme fossile. La thèse d'Andreas Malm, plutôt convaincante à mes yeux, est que le capitalisme tel que nous le connaissons est indissociable de l'extraction des ressources fossiles et d'une croissance incessante de cette exploitation. Il l'explique notamment par la volonté des capitalistes de disposer de ressources dont ils peuvent disposer à leur guise, que ce soit le charbon, facilement stockage et transportable, contrairement aux énergies renouvelables dépendant de facteurs météorologiques, mais aussi de main d'oeuvre peu coûteuse que l'on peut regrouper dans de grandes usines urbaines.

Le troisième chapitre, où l'auteur ébauche une étude des représentations du capitalisme fossile dans la littérature de fiction, est intéressant quoiqu'un peu déroutant.

Enfin, dans le quatrième et dernier chapitre, Andreas Malm cherche à qualifier les différentes façons dont peuvent s'articuler crise climatique et révolution (ou contre-révolution), à travers des exemples plus ou moins récents, et des réflexions où il s'appuie notamment sur la pensée de Lénine. C'est le moment où il cherche à entrer un peu plus dans des questions stratégiques et concrètes, et c'est plutôt stimulant.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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