Le Chant des glaces (Jean Krug)
Le Chant des glaces est un roman de science-fiction de Jean Krug, publié en 2021 chez Critic. À la ville, Jean Krug est aussi glaciologue, c’est avec cette double casquette de scientifique et d’écrivain que je l’ai entendu témoigner dans plusieurs podcasts ou à l’occasion de tables rondes. Il n’est en tout cas pas étonnant que son roman parle beaucoup de glaciers :
Delas est une planète glaciaire dont les ressources, extraites jour et nuit par des milliers de prisonniers, alimentent en eau potable le reste de la galaxie. Mais on y trouve également le cryel, un morceau de glace aux propriétés spéciales que seuls les plus agiles des détenus parviennent à prospecter : les chanteurs.
Lorsqu’un jour, l’occasion est donnée à Bliss et Fey, chanteurs insurgés, de se libérer, ils n’hésitent pas une seconde. Accompagnés par Nox, ancien pilote, et Jennah, scientifique exilée, ils vont plonger au cœur du plus gigantesque des glaciers. Et dans les méandres de ses galeries obscures, animés par la quête folle d’un cryel parfait, c’est surtout leur propre conscience qu’ils vont explorer. Avec cette question lancinante : « Au fond, quelle liberté ? »
Autour de la trame principale autour des « chanteurs » de glace sur la planète Delas, nous suivons en parallèle une intrigue politico-militaire plus classique mais passionnante. Comme dans tout récit bien construit, les trames finissent par converger. Globalement, le récit efficace, rythmé et prenant.
Les personnages ne sont pas forcément très développés mais suffisamment pour que chacun ait une personnalité, une voix, un rôle et une trajectoire dans le récit. On s’y attache, on les comprend et on prend plaisir à les suivre, c’est bien l’essentiel.
La passion de l’auteur pour les glaciers et son métier de glaciologue se ressentent dans le livre, dans le bon sens du terme : les descriptions sont précises, mais aussi poétiques et envoûtantes.
Au-delà des descriptions de paysages glaciaires majestueux qu’il connait bien, Jean Krug propose également une terrible mise en scène de l’extractivisme, de cette machine folle qui exploite tout sur son passage, sans se soucier des déchets, matériels et humains, qu’elle laisse sur son passage. Il aborde également la question des liens incestueux entre recherche scientifique et intérêts militaires, mais aussi la course à l’innovation technologique et à l’expansion infinie. Bref, une critique en règle du capitalisme.
L’auteur s’appuie sur une écriture qui peut parfois sembler froide, si je peux me permettre ce mot d’esprit, mais qui dérive parfois vers des passages plus poétiques, ou en tout cas empreints d’émotion contenue. C’est plutôt joli et diablement efficace. À l’image de l’ensemble du livre, à vrai dire.
Zéro Janvier – @zerojanvier@diaspodon.fr