Les Rouges (Pascale Fautrier)
Avec Les Rouges, Pascale Fautrier signe un long et magnifique roman où elle nous raconte sa famille sur près de deux siècles. L'autrice, et à travers elle sa narratrice Madeleine qui lui sert d'alter-ego, est issue d'une lignée de révolutionnaires, de socialistes utopiques, d'anarchistes, de marxistes, de communistes, de trotskistes, bref de rouges.
Avec ces générations qui se succèdent, nous suivons les combats pour l'égalité et la liberté au fil du temps : Révolution Française, Restauration, Monarchie de Juillet, banquets républicains, révolution de février 1848 et répression des luttes ouvrières en juin de la même année, Second Empire, Commune de Paris et son issue tragique et scandaleuse lors de la Semaine Sanglante, Troisième République, Première Guerre Mondiale, Front Populaire, Vichy et la Résistance, le long déclin des communistes avec ou à cause de l'aveuglement des militants et du silence coupable de leurs dirigeants sur les dérives du stalinisme, puis mai 1981 et enfin le Front de Gauche.
Quand on est passionné d'Histoire, et en particulier du XIXe siècle comme je le suis, on ne peut qu'être captivé par ce récit de tous ces événements vus et vécus par des hommes ordinaires, des militants de gauche qui croient en un idéal et luttent avec ferveur.
Au-delà du récit historique à hauteur d'hommes, le roman multiplie également les scènes de récit d'une génération à une autre. Dans une sorte de mise en abîme, l'autrice met en scène la transmission d'une mémoire collective, populaire et révolutionnaire, avec ses figures et ses valeurs, et le fait dans son propre roman qui contribue à cette transmission de “notre” histoire.
J'ai trouvé qu'il y avait un petit creux dans le dernier tiers du roman, avec les débats politico-philosophiques et les manoeuvres d'appareil au sein du PCF puis des groupuscules trotskistes. C'est peut-être aussi un signe des temps : l'espoir d'un monde meilleur s'est presque éteint et on se bat désormais pour des “places”, à l'exception de quelques militants qui y croient encore. Le récit devient alors plus cryptique, moins prenant, mais cela n'enlève rien à la qualité d'ensemble du livre.
Le roman constitue à la fois un vibrant hommage à celles et ceux qui ne demandaient qu'à exister et un magnifique témoin des combats d'hier, qui doivent inspirer et éclairer ceux d'aujourd'hui.
Zéro Janvier – @zerojanvier@diaspodon.fr