L’imaginaire au pouvoir : science-fiction, politique et utopies (Vincent Gerber)

L’imaginaire au pouvoir : science-fiction, politique et utopies est un essai de Vincent Gerber, publié en octobre 2024 chez Le passager clandestin. L’auteur est historien de formation, spécialiste de l’écologie sociale et notamment de la pensée de Murray Bookchin, mais c’est aussi un amateur éclairé de science-fiction et d’utopie, ce qui explique l’écriture de ce livre qui mêle science-fiction et politique.

Les littératures de l’imaginaire et particulièrement la SF ont longtemps été perçues comme des mauvais genres ou comme un vecteur de divertissement. Aujourd’hui, c’est encore et surtout par les essais que se transmettent les idées. La SF a pourtant un potentiel politique immense ! C’est ce que soutient Vincent Gerber qui avec L’imaginaire au pouvoir souhaite sensibiliser un public engagé aux vertus de ce genre.

La SF, c’est l’extrapolation. A ce titre, elle peut avertir, prévenir, montrer les brèches du système. Si elle n’est pas divinatoire, elle permet de décadrer le regard et peut être porteuse de réflexions collectives. Ce livre vise à susciter le désir de découvrir une littérature qui peut à plusieurs titres nous aider à penser aujourd’hui et à imaginer demain.

Je dois d’abord dire que le début du livre m’a un peu déçu. J’ai trouvé l’introduction et les premiers chapitres un peu légers et superficiels. Il m’a semblé que l’auteur cherchait à écrire pour deux publics différents : d’une part des amateurs de science-fiction sensibles à ses enjeux politiques, d’autre part des militants politiques peu familiers avec les genres de l’imaginaire. Cela donne un entre-deux un peu déséquilibré, difficile à tenir, en tout cas au début de l’ouvrage.

Heureusement, j’ai trouvé qu’il y avait un saut qualitatif après quelques chapitres, peut-être le temps pour l’auteur d’entrer dans le vif du sujet sans se soucier de présenter aux non-initiés des concepts de base et quelques références essentielles.

J’ai commencé à accrocher avec un chapitre consacré à l’histoire politique de la science-fiction, qui part des récits impérialistes, colonialistes, militaristes et virilistes de l’âge d’or, se poursuit à partir des années 1960 et 1970 avec la new wave qui a situé la science-fiction comme une contre-culture contestataire de l’ordre dominant, avant d’arriver aujourd’hui avec un paysage science-fictif qui se veut féministe, queer, écologiste, plus ouvert et attentif à la pluralité des points de vue, des thématiques et des représentations.

Il y a également un chapitre absolument passionnant entièrement consacré à l’utopie ambiguë imaginée par Ursula K. Le Guin dans Les Dépossédés. Vincent Gerber analyse parfaitement cette oeuvre majeure d’une grande richesse et la notion d’utopie ambigüe qu’elle véhicule, c’est-à-dire une utopie qui s’interroge sur ses limites et son besoin de changement.

J’ai beaucoup aimé un autre chapitre sur le Cycle de la Culture, une de mes oeuvres préférées en science-fiction, si ce n’est ma préférée. L’auteur montre bien comment l’utopie imaginée par Iain M. Banks est elle aussi ambigüe, à travers les interrogations sur ses frontières et son impérialisme, même involontaire.

Ce livre rejoint tout un ensemble d’ouvrages et textes de fiction qui appellent à se saisir des littératures de l’imaginaire pour imaginer des futurs possibles et désirables. Vincent Gerber le fait avec une approche libertaire qu’il revendique et qui apporte un regard un peu différent sur certaines thématiques. Si le début du livre m’avait un peu laissé sur ma faim, la suite m’a vraiment enchanté.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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