Quand commence le capitalisme ? (Jérôme Baschet)
Quand commence le capitalisme ?, De la société féodale au monde de l’Économie, est un essai de l’historien Jérôme Baschet, publié en avril 2024 aux éditions Crise & Critique.
Quand le capitalisme a-t-il commencé ? L'interrogation paraît simple. Pourtant, aucun consensus n'émerge parmi les historiens. En adoptant un critère rigoureux pour distinguer le capitalisme des simples pratiques commerciales et monétaires, Jérôme Baschet remet en question bien des modèles historiques classiques et explore la complexité des forces à l'oeuvre dans la transition du féodalisme au capitalisme. Il interroge les dynamiques internes de la société médiévale, soulignant les spécificités de la trajectoire européenne tout en récusant les biais eurocentriques.
Défendant une perspective discontinuiste, il souligne que cette transition na rien dune évolution linéaire prédestinée, mais quelle représente une rupture radicale dans l'histoire humaine et planétaire, dont la portée se révèle pleinement dans le contexte actuel de crise climatique et écologique.
Sur les trois questions considérées quand ? comment ? quoi ? , l'auteur semploie à clarifier les termes des débats à mener, offrant ainsi une réflexion approfondie sur la formation historique du capitalisme, un monde caractérisé par l’autonomisation de l’économie et l’affirmation d’une logique d’illimitation, dont il nous est donné aujourd’hui d’éprouver les conséquences.
Après avoir lu La civilisation féodale, qui était un pavé dense et passionnant, j’ai eu envie de poursuivre mes lectures des ouvrages de Jérôme Baschet, avec cet essai plus court qui prolonge certaines réflexions sur la transition entre féodalité et capitalisme.
L’ouvrage est composé de trois chapitres qui s’articulent chacun autour d’une question : Quand ? Comment ? Quoi ?
Dans le premier chapitre, Chronologie : de si grandes divergences, Jérôme Baschet présente les différentes théories sur la « date de naissance » du capitalisme puis défend la thèse d’une apparition tardive et brutale, autour du XVIIIe et du XIXe siècle.
Dans le deuxième chapitre, Quels facteurs de la transition ?, l’auteur analyse les éléments qui caractérisent et ont permis la transition du féodalisme au capitalisme. Il s’appuie pour cela sur ses réflexions sur la civilisation féodo-ecclésiale développées dans La civilisation féodale, mais aussi sur les travaux de l’anthropologue Philippe Descola sur le naturalisme et la naissance de la rupture entre nature et culture dans la pensée européenne.
Enfin, dans la troisième partie, Capitalisme : mais de quoi parle-t-on ?, Jérôme Baschet tente une définition du capitalisme et insiste sur la différence entre d’une part la présence d’activités du capital (commerce, manufacture, etc.) dans des sociétés non capitalistes (par exemple la civilisation médiévale européenne définie par le féodalisme et l’Église), et d’autre part l’existence d’un système capitaliste global qui caractérise un nouvel ordre social. Dans celui-ci, l’économie s’est autonomisée de la société et les rapports de production et sociaux sont définis et sous l’emprise du capital.
J’ai lu très rapidement cet essai, à la fois parce qu’il est court et parce qu’il est très accessible et rapide à lire. Jérôme Baschet va à l’essentiel pour aborder son sujet, on sent qu’il aurait pu développer certaines thématiques mais qu’il a souhaité rester concentré sur la ligne directrice tout au long de son texte.
J’ai trouvé ce livre captivant du début à la fin, et cela ne fait que renforcer mon intérêt pour les textes de Jérôme Baschet. Si je ne partage pas forcément toutes ses idées, j’apprécie ses réflexions et ce qu’elles apportent aux débats sur une éventuelle et souhaitable transition post-capitaliste. A ce propos, je ne peux pas achever ce billet sans citer le dernier paragraphe de la conclusion :
En tout cas, on admettra que ce n’est pas la même chose de penser le dépassement du capitalisme selon que l’on voit en lui l’aboutissement de tendances millénaires inscrites dans la nature humaine ou, au contraire, une anomalie historique radicale, ayant conduit à une drastique dégradation des conditions de vie sur Terre et mettant en péril l’existence de très nombreuses espèces, homo sapiens compris.
Zéro Janvier – @zerojanvier@diaspodon.fr