Zéro Janvier

Chroniques d'un terrien en détresse – Le blog personnel de Zéro Janvier

Après les deux volumes qui formaient un long et très bon roman sous le titre de “Bans et Barricades”, Clément Bouhélier nous propose de poursuivre les aventures de ses personnages dans son univers d'Olangar avec ce roman de près de 700 pages.

Le décor reste le même, avec cette fantasy en apparence très classique, avec ses humains, ses nains, ses elfes et ses orcs, mais en réalité fortement inspirée par notre XIXe siècle et son lot de révolutions industrielles, politiques et sociales. J'avais beaucoup aimé ce décor dans le premier roman en deux volumes, je l'ai donc retrouve avec grand plaisir ici.

Le récit est peut-être un peu lent à se lancer, le temps de mettre en place l'intrigue et de replacer les personnages principaux dans leur nouveau cadre, cinq ans après les événements du premier roman. Ensuite, cela s'enchaine vite et bien, avec un récit haletant, plein de scènes d'action spectaculaires, sans oublier d'explorer la psychologie des personnages. C'est efficace et plutôt prenant.

Dans l'ensemble, je dirais que c'est peut-être un cran en-dessous des deux premiers volumes, dont j'avais apprécié l'aspect très politique, mais que cela reste de l'excellente fantasy, qui sait jouer sur les clichés pour nous surprendre avec un récit captivant et bien écrit.

Le troisième roman, inévitable compte-tenu de la fin de celui-ci, m'attend déjà, je vous en parlerai sans doute très prochainement.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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J'avais entendu beaucoup de bien d'Olangar dans un podcast que j'écoutais récemment, je m'étais renseigné et je dois dire que le résumé m'avait alléché. Je n'ai pas été déçu : Clément Bouhélier propose de la fantasy comme je l'aime, avec des thématiques sociales et politiques.

Pourtant, le tout début rassemble tous les clichés de la fantasy, avec des nains ouvriers et le récit d'une grande bataille entre l'alliance des humains et des elfes face aux envahisseurs orcs. Heureuseument, après avoir installé ces clichés, l'auteur s'en éloigne habilement en révélant progressivement le cadre de son récit : un univers de fantasy qui semble classique, avec des nains, des elfes et des orcs, mais un univers de fantasy inspiré de notre XIXe siècle.

On y retrouve des marqueurs du contexte industriel, social et politique de ce siècle fondateur de notre histoire contemporaire : une monarchie constitutionnelle instaurée après une révolution, une bourgeoisie qui conteste de plus en plus le pouvoir de l'aristocratie, l'essor des grandes compagnies privées, la naissance des partis politiques en tant que forces électorales, l'éveil de la classe ouvrière et le rôle des syndicats dans les luttes populaires. Tout cela ne pouvait que plaire à l'amateur du XIXe siècle que je suis.

Autour de ce décor que j'ai beaucoup apprécié, le récit est plaisant et rythmé. Nous suivons principalement trois personnages : une jeune noble humaine qui vient à la capitale pour enquêter sur la mort de son frère, un soldat tué dans ces circonstances troubles ; un elfe, vétéran de la grande guerre contre les orcs, banni par son peuple pour des raisons qui restent mystérieuses pour le lecteur ; un nain, leader syndical aux chantiers navals, qui s'intéresse de près aux agissements troubles de la compagnie qui emploie ses camarades. Autour de ce trio gravitent quelques personnages secondaires que l'auteur nous propose de suivre dans quelques chapitres plus rares.

J'ai beaucoup aimé ce roman, même s'il ne constitue finalement que la moitié d'un roman complet. Si le récit s'achève sur de grandes scènes spectaculaires, il n'offre pas vraiment de conclusion aux enjeux ouverts au début du roman, et on sent bien que le roman a été découpé en deux livres qui ne peuvent pas se lire indépendamment. Je vais donc poursuivre ma lecture avec le second volume, en espérant qu'il soit aussi passionnant que celui-ci.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Jay Castelletti nous propose un premier roman très plaisant à lire.

Nous sommes au tout début des années 1990 et nous suivons Dillon, quinze ans au début du récit, qui fuit sa famille très religieuse qui n'accepte pas son attirance pour les garçons. Il débarque à Sydney et commence à se prostituer pour payer son loyer. Au même moment, un serial-killer commence à s'attaquer aux prostitués gays du quartier.

Les personnages sont globalement attachants, le récit est intéressant, même si j'ai regretté le suspense un peu systématique à la fin de presque chaque chapitre. Bien sûr, cela donne envie de lire la suite, mais j'ai trouvé cela un peu artificiel. Un page-turner devrait à mon avis s'appuyer sur le récit lui-même, pas sur des rebondissements, des surprises ou des cliffhangers à la fin de chaque chapitre.

Malgré tout, j'ai bien aimé ce premier roman, dont l'auteur admet lui-même qu'il s'inspire en partie de sa propre expérience dans les années 1990.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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J'avais ce livre dans ma pile à lire numérique depuis plusieurs mois et je suis content de l'avoir gardé pour une période de congés où j'ai eu le temps de le lire tranquillement, à tête reposée.

Le propos est dense, parfois ardu, toujours très riche. Le sous-titre, plus que le titre, décrit parfaitement l'ambition de l'auteur : décrire, en s'appuyant sur des sources, la naissance et l'avènement du libéralisme autoritaire.

Je ne vais pas raconter ici tout le livre, mais je vais essayer d'en résumer les grandes lignes en décrivant les thèmes abordés.

L'auteur part du constat fait par les penseurs libéraux dans les années 1970 : après les Trente Glorieuses et le triomphe de l'Etat-providence, les mouvements civiques, écologiques et sociaux montrent que la démocratie devient un danger pour le capitalisme. Grégoire Chamayou va alors décrire dans six chapitres thématiques la riposte idéologique et pratique opérée par les néolibéraux :

  1. Les travailleurs indociles : indisciplines ouvrières, ressources humaines, insécurité sociale, guerre aux syndicats

  2. Révolution managériale : une crise théologique, managérialisme éthique, discipliner les managers, catallarchie

  3. Attaque sur la libre entreprise : le siège du gouvernement privé, la bataille des idées, comment réagir, l’entreprise n’existe pas, théories policières de la firme

  4. Un monde de contestataires : contre-activisme d’entreprise, production de l’idéologie dominante, management des problèmes, parties prenantes

  5. Nouvelles régulations : soft law, coûts/bénéfices, critique de l’écologie politique, responsabiliser

  6. L’Etat ingouvernable : crise de gouvernabilité des démocraties, Hayek au Chili, aux sources du libéralisme autoritaire, détrôner la politique, micropolitique de la privatisation

Dans la conclusion, l’auteur achève sa démonstration en montrant comment l'expression libéralisme autoritaire n'est pas un oxymore mais au contraire un pléonasme : pour s’imposer à la société, le libéralisme économique doit s’appuyer sur un Etat autoritaire dont le rôle dans l’économie doit se limiter à donner au marché les moyens de fonctionner, un Etat qui doit ainsi être fort avec les faibles mais rester faible avec les forts.

Je l’ai dit, c’est un livre très dense, les citations sont nombreuses, mais le propos de Grégoire Chamayou reste toujours limpide. La démonstration est terriblement efficace, même si, c’est l’écueil de ce genre d’essai, je me doute qu’il ne convaincra que des convaincus. J’en sors à la fois conforté dans mes idées, enrichi par une réflexion parfaitement ciselée, et je l’avoue, un peu déprimé par la situation décrite. Même si la conclusion essaye d’ouvrir des perspectives de contre-lutte, autour de l’autogestion.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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J'avais lu deux romans de Metin Arditi il y a quelques années, sans en garder de souvenir marquant. Son nom me disait tout de même quelque chose quand j'ai vu son nouveau roman sur la table d'une librairie indépendante qui vient d'ouvrir dans ma commune. La quatrième de couverture m'a attiré et je me suis laissé tenter. Je ne le regrette pas, car c'est un magnifique roman.

Le récit commence à l'été 1978. Renato, le personnage principal, a sept ans quand son père qu'il adore, patron d'une entreprise florissante de glaces italiennes, est enlevé par les Brigades Rouges. Il est libéré quelques semaines plus tard mais, traumatisé par son expérience en captivité, il finit par se suicider. Sa veuve, son fils Renato et la gouvernante Rosa, qui élève les fils de la famille depuis deux générations, partent s'installer en Suisse pour fuir le théâtre de cette tragédie.

Dix ans plus tard, la mère de Renato repart en Italie pour épouser l'avocat de la famille, laissant son fils dans un pensionnat prestigieux. Il y rencontre Paolo, un professeur italien qui anime les séances de théâtre, un art que Renato pratique avec passion depuis plusieurs années. L'homme et l'adolescent tissent une relation de confiance et d'admiration mutuelle, jusqu'à ce que le passé ne surgisse et ouvre une fissure entre eux.

Le récit couvre une période de près de vingt ans, même si l'essentiel du roman, au moins en nombre de pages, se déroule dans les années 1989-1990, au coeur de la relation entre Renato et Paolo dans le cadre de pensionnant suisse qui attire les enfants de la haute bourgeoisie européenne voire mondiale.

C'est un roman au style sobre mais qui vise juste, au service d'un récit aussi captivant qu'émouvant. Je l'ai lu entre hier après-midi et ce matin et j'ai eu chaque fois du mal à m'arrêter quand mon agenda me contraignait à interrompre ma lecture. Chaque court chapitre donne envie de lire la suite, sans que cela soit construit avec un suspense artificiel. C'est simplement le récit lui-même qui se déroule naturellement et que l'on a envie de suivre jusqu'au bout, d'une seule traite.

Il me semble que tout le roman tourne autour de la question de la parentalité. Dans une moindre mesure de la maternité, même si le sujet est présent avec les figures contrastées voire antagonistes de Rosa, la gouvernante, et de la mère de Renato. C'est surtout le thème de la paternité qui parcourt tout le récit, de la mort du père jusqu'à la relation de Renato avec Paolo, ce père de substitution qui suscite l'admiration et l'affectation avant de décevoir.

J'ai passé un très beau moment de lecture avec ce roman. J'ai été franchement ému en lisant certains passages, à la fois par les thématiques abordées et par la délicate pudeur avec laquelle l'auteur transmet les émotions de ses personnages. Une très belle surprise.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Young Mungo est le second roman de Douglas Stuart, après Shuggie Bain que j'ai lu juste avant celui-ci.

On y retrouve les motifs, que l'on devine autobiographiques, du premier roman : l'enfant différent qui grandit pendant les années 1980 dans un quartier défavorisé de Glasgow, entre une mère alcoolique, un père absent du paysage, un grand frère et une grande soeur qui tentent de vivre leur vie chacun à leur façon. Au tout début du roman, j'ai d'ailleurs eu peur de relire un peu le même roman que le précédent : même si les prénoms ne sont plus les mêmes, on retrouve le même cadre, le même personnage principal, et le même environnement social et familial. Heureusement, Douglas Stuart apporte quelque chose de plus dans ce cadre connu. Là où Shuggie Bain racontait principalement l'enfance de Shuggie, l'auteur nous propose cette fois de suivre un épisode de l'adolescence de son personnage principal, ici renommé Mungo.

Mungo a 15 ans et rencontre James, un catholique de seize ans qui vit dans le quartier en face du sien. Dans ce milieu où des bagarres éclatent régulièrement entre gangs protestants et catholiques, cette relation doit rester secrète. Entre homophobie, tensions religieuses et territoriales, et pression familiale de part et d'autre, tout concoure à séparer les deux jeunes garçons.

Le roman nous permet de suivre deux récits parallèles, en léger décalé.

D'une part, à partir du mois de janvier, nous assistons à la vie quotidienne de Mungo dans son environnement familial et social, à sa rencontre avec James, et aux débuts de leur relation secrète. Mungo est entrainé contre son gré dans les exactions de son frère aîné, chef du gang protestant du quartier qui s'attaque aux voisins et ennemis catholiques, dont James fait partie.

D'autre part, nous suivons un week-end du mois de mai, quand Mungo est emmené en camping par deux hommes que sa mère a rencontré aux Alcooliques Anonymes et auxquels elle a confié son fils pour lui apprendre à pêcher et en faire un homme.

Il n'y a pas vraiment d'énorme surprise dans le récit, tout se passe plus ou moins comme on peut s'y attendre dès les premières pages, mais ce n'est pas là l'essentiel. Le récit est sans surprise mais parfaitement déroulé, avec des personnages parfaitement écrits et une atmosphère tragiquement réaliste.

Comme je le disais, j'avais peur au début de ma lecture de relire le même roman que le précédent, mais j'ai finalement trouvé celui-ci encore meilleur. Ils s'appuie sur les fondations du premier tout en allant plus loin. Ainsi, l'homosexualité et l'homophobie, qui n'étaient qu'abordées de façon sous-jacente dans le premier roman, sont ici au premier plan. C'est comme si l'auteur avait posé un décor dans Shuggie Bain et qu'il pouvait maintenant l'utiliser pour ajouter une couche supplémentaire à son récit.

Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce roman. C'est une lecture exigeante, parfois déprimante, mais passionnante et absolument utile.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Un très beau roman qui nous plonge à Glasgow dans les années 1980, à la rencontre de Shuggie, un jeune garçon différent issu d'un milieu défavorisé, entre sa mère alcoolique, un père plus souvent absent que présent, et son frère et sa soeur aînés qui n'attendent qu'une seule chose : pouvoir fuir le domicile familial.

C'est tragique, parfois glauque, mais aussi plein d'amour. Pas de l'amour façon bons sentiments qui dégoulinent de guimauve, de l'amour triste mais sincère, profond. Celui d'un fils pour sa mère qu'il essaye de sauver de ses démons et qu'il aime malgré tout. Celui d'un grand frère frustré de ne pas pouvoir l'aider à fuir à son tour cette situation infernale.

C'est vraiment un très beau premier roman pour Douglas Stuart, dont je me suis empressé de lire son deuxième roman, probablement autant autobiographique que celui-ci.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Je découvre l'oeuvre de Sabrina Calvo avec son dernier roman publié tout récemment. Dès les premières pages, j'ai été surpris par le style : inventif et étonnant, presque déroutant. Il m'a fallu un peu de temps pour m'y habituer, mais j'ai fini par être emporté par le récit.

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Il parait que le sujet des transfuges de classe est “à la mode” en cette rentrée littéraire. J'ai vu passer des articles qui s'émouvaient, positivement ou négativement, de cette tendance. Il y a bien sûr Changer : méthode, le nouvel ouvrage d'Edouard Louis, et d'autres que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire, si je le fais un jour.

Il y a également ce livre dont le titre “Et tes parents, ils font quoi ?” et le sous-titre “Enquête sur les transfuges de classe et leurs parents” ont l'avantage de la clarté. Lui-même transfuge de classe, le journaliste Adrien Naselli propose une véritable enquête journalistique sur une quinzaine de transfuges de classe et leurs parents. Il utilise pour cela l'un des outils essentiels du journalisme : l'entretien, à la fois avec des transfuges de classes rencontrés au fil de sa carrière et avec leurs parents.

Le livre se structure autour des grandes étapes de la trajectoire des enfants : l'enfance et la scolarité, les études supérieures, puis la vie professionnelle, avant une conclusion émaillée de commentaires d'Annie Ernaux.

L'angle adopté par l'auteur est intéressant et même essentiel dans ce livre : par définition, la trajectoire de transfuge de classe se faite s'éloignant du milieu social de ses parents, il semble donc pertinent de s'intéresser à la façon dont cette trajectoire a été vécue par les parents du “transfuge”. Très souvent, la littérature à ce sujet s'intéresse au transfuge lui-même, dans un exercice qui reste auto-centré. Ici, Adrien Naselli s'intéresse avant tout aux parents, et le résultat est plutôt intéressant.

J'ai tout de même un regret : la multitude de cas traités, une quinzaine, rend la lecture un peu rébarbative à certains moments. Chaque trajectoire reste unique, mais le livre aurait peut-être en impact et en fluidité si l'auteur avait choisi de resserrer un peu le nombre de “cas” traités.

Malgré tout, c'est une lecture enrichissante sur un sujet qui m'intéresse particulièrement.

#lecture

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Edouard Louis est un auteur agaçant. On pourrait avoir l'impression que ses livres tournent un peu en rond autour des thèmes, et son style peut le faire apparaître comme un écrivain un peu poseur. Pourtant, il vise juste presque à chaque fois. Dans son dernier livre, il raconte son parcours de transfuge de classe, de son enfance dans un village picard qui faisait déjà l'objet de son premier roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule jusqu'à la parution de ce premier roman justement, en passant par ses années au lycée à Amiens puis ses études supérieures à Paris.

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