Zéro Janvier

Chroniques d'un terrien en détresse – Le blog personnel de Zéro Janvier

Dans quel régime vivons-nous depuis le printemps 2017 ? La question est légitime tant l’interprétation que fait le nouveau président des institutions de la Ve République vise à renforcer le pouvoir exécutif et le système de l’état d’urgence quasi permanent.

En se plaçant au-dessus des partis, Emmanuel Macron abuse d’une formule éprouvée depuis 1790 puis 1793, et lors de chaque crise politique française grave, en 1795, 1799, 1815, 1851, 1940, 1958 et finalement en 2017-2019. Le pouvoir exécutif, en la personne d’un sauveur, tente de supplanter le pouvoir législatif que l’on décrédibilise en exagérant son inefficacité ou son éloignement du peuple, au risque de fragiliser la démocratie représentative. En adoptant la modération, celle du juste milieu, qui est censée réparer les excès des députés, un centre politique, semblable et différent selon les générations, s’invente lors de chaque crise. La saison des tourne-veste répète les mêmes recettes depuis deux cent trente ans, de 1789 à 2019.

La vie politique française, malgré ce qu’en dit toute une tradition historiographique, n’est pas bloquée par une lutte handicapante entre droite et gauche, mais par un poison: celui d’un extrême centre, flexible, prétendu modéré mais implacable qui vide de sa substance démocratique la République en la faisant irrémédiablement basculer vers la république autoritaire. Le macronisme n’est pas une Révolution : c’est une vieille histoire.

Pierre Serna, historien de la Révolution française, proposait en 2019 une généalogie historique, de 1789 à 2019, de l'extrême-centre, ce poison français qui jaillit dans les moments de crise.

Le propos est limpide et convaincant. On rêverait même d'une seconde édition en 2024, actualisée avec l'évolution de la pratique macroniste du pouvoir depuis 2019, qui n'a fait que donner raison aux éléments apportés à l'époque par Pierre Serna.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Cela faisait plusieurs mois (années ?) que ce livre me tentait, et j'ai enfin pris le temps de lire “La nuit des prolétaires, archives du rêve ouvrier” de Jacques Rancière, dans lequel il raconte et étudie la littérature ouvrière du XIXe siècle, entre désir d'émancipation et recherche esthétique, ainsi que les expériences saint-simoniennes, fouriéristes, associatives, et icariennes.

Tout commence à la tombée de la nuit quand, dans les années 1830, un certain nombre de prolétaires décident de briser le cercle qui place le sommeil réparateur entre les jours du salaire : cercle d’une existence indéfiniment vouée à entretenir les forces de la servitude avec celles de la domination, à reproduire le partage qui destine les uns aux privilèges de la pensée, les autres aux servitudes du travail. Le rêve éveillé de l’émancipation ouvrière est d’abord la rupture de cet ordre du temps qui structure l’ordre social, l’affirmation d’un droit dénié à la qualité d’être pensant.

Suivant l’histoire d’une génération, ce livre met en scène la singulière révolution intellectuelle cachée dans le simple nom de « mouvement ouvrier ». Il retrace ses chemins individuels et collectifs, ses rencontres avec les rêves de la communauté et les utopies du travail nouveau, sa persistance dans la défection même de l’utopie.

La prose de Jacques Rancière est jolie mais pas toujours très abordable, il faut s'accrocher pour suivre son propos et j'ai parfois eu du mal à rester concentré. Les chapitres sont longs, Jacques Rancière ne prend pas toujours la peine d'expliciter le contexte et les idées présentées. C'est ce qui me donne un sentiment mitigé en refermant ce livre : j'ai l'impression d'être passé à côté de beaucoup d'éléments, sans doute passionnants, dans ce long texte parfois à la limite de l'occulte pour le non-initié que je suis.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Quand l’État recule, la forme Commune s’épanouit. Ce fut le cas à Paris en 1871 comme lors de ses apparitions plus récentes, en France et ailleurs. Les luttes territoriales contemporaines, comme la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes ou les occupations de chantiers de construction de pipelines en Amérique du Nord, ont remis à l’ordre du jour des formes d’appropriation de l’espace social. Elles ont façonné de nouvelles manières politiques d’habiter qui agissent pour interrompre la destruction de notre environnement. Mais elles ont également modifié notre perception du passé récent et donné de nouveaux noms à ce que nous voyons aujourd’hui, aiguisant notre compréhension du présent. Les luttes au long cours pour la terre des années 1960 et 1970, comme le Sanrizuka au Japon ou le Larzac, apparaissent désormais pour ce qu’elles sont : des batailles déterminantes de notre époque.

Pour Kristin Ross, les processus pragmatiques et non accumulatifs qui fondent l’existence concrète de la vie de la commune – défense, subsistance, appropriation, composition et complémentarité des pratiques, solidarité dans la diversité – constituent des éléments cruciaux de ce que Marx appelait « la forme politique de l’émancipation sociale » et que Kropotkine considérait comme la condition nécessaire de la révolution et de son accomplissement.

Dans ce très joli et enthousiasmant essai, Kristin Ross dresse des parallèles entre la Commune de Paris, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, et d'autres expériences de luttes locales depuis les années 1960 et 1970. Elle en tire des leçons sur la “forme-Commune”, cette forme de lutte ancrée sur un territoire où les personnes en lutte se réapproprient à la fois un espace, leur mode de vie et leur mode d'organisation en commun. Le texte est court et je l'ai trouvé absolument passionnant du début à la fin.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Difficile de résumer cet essai de Kristin Ross, tant il est riche, dense, et parfois un peu confus.

William Morris, Élisée Reclus, Pierre Kropotkine : ce ne sont pas les premiers noms qui viennent à l'esprit s'agissant de la Commune de Paris. S'ils tiennent dans ce livre un rôle important, c'est que pour Kristin Ross, la Commune déborde l'espace-temps qui lui est habituellement attribué, les 72 jours écoulés et les fortifications sur lesquelles elle a combattu. L'Imaginaire signifie que cet événement révolutionnaire n'est pas seulement international mais qu'il s'étend bien au-delà du domaine de la politique, vers l'art, la littérature, l'éducation, la relation au travail. Ce n'est pas un hasard si les trois personnages principaux du livre sont un poète-artiste, un géographe et un scientifique-anarchiste russe : la Commune n'est pas un simple épisode de la grande fable républicaine, c'est un monde nouveau qui s'invente pendant ces brèves semaines, un monde qui n'a pas fini de hanter les uns et d'inspirer les autres.

L'autrice revient sur l'expérience de la Commune de Paris, elle montre notamment que cette insurrection révolutionnaire n'est pas sortie de nulle part mais était le produit de débats et de réflexions qui agitaient les milieux radicaux depuis plusieurs années. Elle étudie également comment cette expérience a ensuite nourri la réflexion de plusieurs auteurs, dont Karl Marx, Elisée Reclus, William Morris, et Pierre Kropotkine.

J'ai parfois eu du mal à suivre la logique d'ensemble du texte, mais paradoxalement j'ai tout de même trouvé cela diablement intéressant.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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« Nous dressons nos campements de solutions durables. Nous manifestons, nous bloquons, nous adressons des listes de revendications à des ministres, nous nous enchaînons aux grilles, nous nous collons au bitume, nous manifestons à nouveau le lendemain. Nous sommes toujours parfaitement, impeccablement pacifiques. Nous sommes plus nombreux, incomparablement plus nombreux. Il y a maintenant un ton de désespoir dans nos voix ; nous parlons d’extinction et d’avenir annulé. Et pourtant, les affaires continuent tout à fait comme avant – business as usual. À quel moment nous déciderons-nous à passer au stade supérieur ? »

Confrontant l’histoire des luttes passées à l’immense défi du réchauffement climatique, Andreas Malm interroge un précepte tenace du mouvement pour le climat : la non-violence et le respect de la propriété privée. Contre lui, il rappelle que les combats des suffragettes ou pour les droits civiques n’ont pas été gagnés sans perte ni fracas, et ravive une longue tradition de sabotage des infrastructures fossiles. La violence comporte des périls, mais le statu quo nous condamne. Nous devons apprendre à lutter dans un monde en feu.

Dans cet essai d'environ cent cinquante pages, l'universitaire et écologiste radical Andreas Malm mène une réflexion très bien argumentée sur les moyens d'action à la disposition des activistes pour le climat et pose notamment la question de l'usage de la violence contre les biens, c'est-à-dire le sabotage des installations et infrastructures écocides. L'auteur suédois a son avis sur la question mais prend le temps de poser les arguments pour et les objections, avec ce qu'il faut de nuance pour expliquer son propos.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Il s’agit du deuxième livre consécutif d'Andreas Malm que je lis, et c’est une deuxième lecture à la fois plaisante et enrichissante.

Le début de la décennie semble marqué par une accélération de l’histoire de la relation des hommes à la Terre. Alors que les conséquences du dérèglement climatique, de l’Australie au Kenya, prenaient la forme de méga feux, de cyclones et de nuages de criquets ravageurs, le Covid-19 est venu frapper comme un éclair plus de la moitié de la population mondiale. Rapidement, les mesures de confinement prises par les gouvernements du monde entier ont cependant laissé entrevoir des effets inattendus : les émissions carbones chutaient drastiquement et la nature semblait reprendre un peu de ses droits jusque dans les villes. Et si la crise sanitaire était une opportunité pour la lutte contre le réchauffement terrestre ?

Dans ce court essai, Andreas Malm prend la question à bras-le-corps. Il explique que les deux phénomènes sont biologiquement liés. On sait depuis un moment qu’une des causes premières des contagions zoono- tiques (de l’animal vers l’homme et vice-versa) est la déforestation qui détruit la biodiversité... et accélère la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Ensuite, si le virus s’est propagé à une telle vitesse sur le globe, c’est qu’il a emprunté les circuits de l’économie fossile : des routes qui s’enfoncent toujours plus profondément dans les forêts, aux cargos et aux avions, véritables autoroutes virales. Malm décrypte les mécanismes par lesquels le capital, dans sa quête de profit sans fin, produit de la pandémie comme de l’effet de serre, sans fin.

Mais l’analogie a aussi ses limites. Malm rappelle que la crise sanitaire et économique provoquée par le Covid- 19 s’est accompagnée dès le départ de la promesse d’un « retour à la normale » – et donc à la hausse continue des températures. Si l’énergie déployée par les États pour combattre l’épidémie contraste tant avec leur inaction en matière climatique, c’est aussi qu’elle a touché en plein cœur les métropoles des pays développés, et que personne n’a intérêt à la voir perdurer. Le virus n’est pas, à la différence du CO2, un coefficient du pouvoir et de la richesse. Un tout autre antagonisme pèse sur le climat : un antagonisme social. On sait à présent qu’il est possible d’arrêter, même temporairement, le business-as-usual. Mais dans « le monde d’après-covid-19 », les méthodes bureaucratiques ne suffiront pas à éviter la catastrophe : il faudra des méthodes révolutionnaires. Sans quoi nous serons condamnés à survivre sur une « planète fiévreuse habitée par des gens fiévreux ».

Dans cet essai de deux cent pages, publié en 2020 en pleine pandémie de Covid-19, l'universitaire et écologiste radical suédois dresse d'abord des parallèles entre pandémie de coronavirus et crise climatique, à la fois sur leurs causes et sur les moyens d'y répondre. Il aborde ensuite la problématique d'urgence chronique à laquelle nos sociétés font face et vont de plus en plus devoir faire face, avant d'envisager une stratégie, inspirée du communisme de guerre théorisé et mis en pratique par Lénine.

Je ne sais pas si j'ai été convaincu à 100% par tous les arguments d'Andreas Malm, mais c'est clairement une contribution intéressante aux débats et aux questions qui se posent à nous, citoyens d'un monde sur une pente mortifère.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Dans cet essai brillant, l'universitaire et militant écologiste radical Andreas Malm étudie et fait la critique du concept d'anthropocène, cette période géologique qui se caractérise par les effets de l'action humaine sur son environnement.

Du delta du Nil aux cercles polaires, le constat est effrayant : la Terre se réchauffe dans des proportions qui nous mènent aujourd’hui au seuil de la catastrophe. Le concept d’Anthropocène, s’il a le mérite de nommer le problème, peine à identifier les coupables et s’empêtre dans le récit millénaire d’une humanité pyromane. Or si l’on veut comprendre le réchauffement climatique, ce ne sont pas les archives de « l’espèce humaine » qu’il faut sonder mais celles de l’Empire britannique, pour commencer. On y apprend par exemple que dans les années 1830 la vapeur était, aux mains des capitalistes anglais, un outil redoutable pour discipliner la force de travail et une arme de guerre impérialiste ; on y suit la progression fulgurante de la machine mise au point par James Watt qui supplante en quelques années la force hydraulique – pourtant abondante et moins chère – dans l’industrie textile anglaise.

En puisant dans les sources de l’histoire sociale, ce livre raconte l’avènement du « capital fossile », ou comment la combustion ininterrompue de charbon a permis de repousser les limites de l’exploitation et du profit.

Il faut couper la mèche qui brûle avant que l’étincelle n’atteigne la dynamite, écrivait Walter Benjamin dans un fragment célèbre, « Avertisseur d’incendie », où il insistait sur la nécessité d’en finir avec le capitalisme avant qu’il ne s’autodétruise et emporte tout avec lui. Pour Andreas Malm, on ne peut pas mieux dire l’urgence contemporaine de défaire l’économie fossile par des mesures révolutionnaires.

La principale critique que l'auteur fait à ce concept, c'est qu'il a tendance à considérer l'humanité d'un seul bloc et donc à masquer les véritables responsables, les véritables coupables.

Dans les deux premiers chapitres, dans lesquels il raconte la révolution industrielle et l'essor de l'Empire britannique au XIXe siècle, il désigne le coupable du changement climatique : le capitalisme fossile. La thèse d'Andreas Malm, plutôt convaincante à mes yeux, est que le capitalisme tel que nous le connaissons est indissociable de l'extraction des ressources fossiles et d'une croissance incessante de cette exploitation. Il l'explique notamment par la volonté des capitalistes de disposer de ressources dont ils peuvent disposer à leur guise, que ce soit le charbon, facilement stockage et transportable, contrairement aux énergies renouvelables dépendant de facteurs météorologiques, mais aussi de main d'oeuvre peu coûteuse que l'on peut regrouper dans de grandes usines urbaines.

Le troisième chapitre, où l'auteur ébauche une étude des représentations du capitalisme fossile dans la littérature de fiction, est intéressant quoiqu'un peu déroutant.

Enfin, dans le quatrième et dernier chapitre, Andreas Malm cherche à qualifier les différentes façons dont peuvent s'articuler crise climatique et révolution (ou contre-révolution), à travers des exemples plus ou moins récents, et des réflexions où il s'appuie notamment sur la pensée de Lénine. C'est le moment où il cherche à entrer un peu plus dans des questions stratégiques et concrètes, et c'est plutôt stimulant.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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There's a resurgent labor movement in the tech industry. Tech workers-designers, engineers, writers, and many others-have learned that when they stand together, they're poised to build a better version of the tech industry. They haven't stopped at companies from Kickstarter to Google, workers have formed unions. And you should, too.

But what are unions? And why do they matter? Ethan Marcotte answers these questions through extensive research and by interviewing tech workers with real-world union-building experience. Ethan shares these workers' insights and stories, weaving them together to outline the process for forming a union of your very own. Because you-yes, you-deserve a tech union.

Dans cet essai, Ethan Marcotte lance un appel pour développer l'activisme et le syndicalisme dans le secteur de la tech, en expliquant les raisons pour lesquelles c'est important pour lui, comment cela se passe concrètement, et ce que nous pouvons en espérer.

Sur les aspects pratiques et légaux, le propos est clairement centré sur la situation américaine, ce que l'auteur admet volontiers comme il parle de ce qu'il connait, mais les concepts restent applicables partout et surtout, cela ne constitue qu'une partie du livre.

J'ai dévoré ce court livre en une grosse journée, c'est un texte à la fois enthousiasmant et mobilisateur. Si je n'étais pas déjà syndiqué, je pense que je serais désormais décidé à l'être !

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Après avoir passé une partie de l’été à lire le sublime cycle de fantasy Malazan Book of the Fallen de Steven Erikson, j’ai été tenté de lire le cycle qui est en quelque sorte son cousin, écrit cette fois par l’autre co-créateur de l’univers malazéen, Ian C. Esslemont.

J’ai regroupé ici, dans l’ordre, mes chroniques des 6 romans qui composent ce cycle.

1. Night of Knives

The small island of Malaz and its city gave the great empire its name, but now it is little more than a sleepy, backwater port. Tonight, however, things are different. Tonight the city is on edge, a hive of hurried, sometimes violent activity; its citizens bustle about, barring doors, shuttering windows, avoiding any stranger's stare. Because tonight there is to be a convergence, the once-in-a-generation appearance of a Shadow Moon—an occasion that threatens the good people of Malaz with demon hounds and other, darker things…

It was also prophesied that this night would witness the return of Emperor Kellanved, and there are those prepared to do anything to prevent this happening. As factions within the greater Empire draw up battle lines over the imperial throne, the Shadow Moon summons a far more ancient and potent presence for an all-out assault upon the island.

Witnessing these cataclysmic events are Kiska, a young girl who yearns to flee the constraints of the city, and Temper, a grizzled, battle-weary veteran who seeks simply to escape his past. Each is to play a part in a conflict that will not only determine the fate of Malaz City, but also of the world beyond…

Je replonge dans l'univers malazéen avec cette série Novels of the Malazan Empire, parallèle à la saga principale.

Pour l'instant, je suis assez mitigé. La comparaison avec la qualité des romans de Steven Erikson est pour l'instant assez cruelle pour Ian C. Esslemont. Si j'ai trouvé le récit plutôt intéressant, je n'ai pas été emballé par les deux personnages choisis comme point de vue, et l'action m'a parfois semblé confuse. Je ressors de ce premier roman avec une certaine déception : les événements qu'il relatent ont tout pour être passionnants, mais le résultat ne m'a pas convaincu.

2. Return of the Crimson Guard

The return of the mercenary company, the Crimson Guard, could not have come at a worse time for a Malazan Empire exhausted by warfare and weakened by betrayals and rivalries. Indeed, there are those who wonder whether the Empress Laseen might not be losing her grip on power as she faces increasing unrest as conquered kingdoms and principalities sense freedom once more.

Into the seething cauldron of Quon Tali—the Empire's heartland—marches the Guard. With their return comes the memory of the Empire—and yet all is not well with the Guard itself. Elements within its elite, the Avowed, have set their sights on far greater power. There are ancient entities who also seek to further their own arcane ends. And what of the swordsman called Traveller who, with his companion Ereko, has gone in search of a confrontation from which none have ever returned?

As the Guard prepares to wage war, so Laseen's own generals and mages, the 'Old Hands', grow impatient at what they see as her mismanagement of the Empire. But could Laseen have outwitted them all? Could she be using the uprisings to draw out and finally eliminate these last irksome survivors from the days of her illustrious predecesor, Kellanved?

Je vais le dire clairement : ce tome est meilleur que le premier de la série, qui m'avait globalement déçu. Dans celui-ci, la narration est enfin à la hauteur des enjeux. Quand Ian C. Esslemont prend la peine de caractériser ses personnages, bizarrement cela fonctionne beaucoup mieux et on retrouve la qualité narrative à laquelle Steven Erikson nous avait habitué dans le cycle original. Le paradoxe, qui n'en est pas un en réalité, c'est que j'ai été plus intéressé voire attaché aux personnages de ce tome, pourtant très nombreux, qu'aux deux personnages, malheureusement insipides, du premier.

Par contre, je suis de plus en plus agacé par ce cliché où de “gentils” militaires déterminés, capables de prendre des décisions rapides dans des circonstances difficiles sont gênés par de “méchants” parlementaires, conseillers ou politiciens indécis qui passent trop de temps à débattre sans rien décider. Evidemment, dans la narration tout est fait, en terme de caractérisation des personnages et de mise en place des enjeux, pour qu'on prenne parti pour les “gentils” militaires contre les “méchants” parlementaires et donc qu'indirectement on cautionne ce coup d'état. L'idéologie véhiculée par ce cliché sent très mauvais.

Hormis ce bémol, j'ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman, qui m'a rappelé les meilleurs moments du cycle de Steven Erikson.

3. Stonewielder

Greymane believed he'd outrun his past. With his school for swordsmanship in Falar, he was looking forward to a quiet life, although his colleague Kyle wasn't as enamoured with life outside the mercenary company, the Crimson Guard. However, it seems it is not so easy for an ex-Fist of the Malazan Empire to disappear, especially one under sentence of death from that same Empire.

For there is a new Emperor on the throne of Malaz, and he is dwelling on the ignominy that is the Empire's failed invasion of the Korel subcontinent. In the vaults beneath Unta, the Imperial capital, lie the answers to that disaster. And out of this buried history surfaces the name Stonewielder.

In Korel, Lord Protector Hiam, commander of the Stormguard, faces the potential annihilation of all that he holds dear. With few remaining men and a crumbling stone wall that has seen better days, he confronts an ancient enemy: the sea-borne Stormriders have returned.

Religious war also threatens these lands. The cult of the Blessed Lady, which had stood firm against the Riders for millennia, now seeks to eradicate its rivals. And as chaos looms, a local magistrate investigating a series of murders suddenly finds himself at the heart of a far more ancient and terrifying crime—one that has tainted an entire land....

Là où le tome précédent, Return of the Crimson Guard, racontait une guerre civile sur fond de rébellion contre l'autorité centrale et de revendications d'indépendance, celui-ci met en scène à la fois une invasion et une guerre de religion.

Au programme : luttes de pouvoir, fanatisme religieux, et cité occupée par l'envahisseur, avec son lot d'opportunistes, de collaborateurs, et d'individus ordinaires qui se débattent comme ils le peuvent dans des circonstances extraordinaires.

J'ai beaucoup aimé ce roman, que j'ai trouvé prenant du début à la fin. Il est peut-être un cran en-deçà de Return of the Crimson Guard, mais c'est tout de même de l'excellente fantasy, avec des personnages que l'on prend plaisir à découvrir et à suivre, et un récit captivant. C'est plutôt rassurant après la déception du premier tome : les deux suivants relèvent largement le niveau et laissent espérer de grandes choses pour la suite du cycle.

4. Orb Sceptre Throne

The tumult of great powers colliding has passed and the city of Darujhistan and its citizens can at last get on with what matters: trading, bickering, politicking and enjoying all the good things in life. However, not all are ready to leave the past behind. A treasure hunter, digging amongst the burial grounds that surround the city, is about to uncover a hidden crypt. He will open the last of a series of sealed vaults – the one that no other dared touch – and, in so doing, set free something so terrifying that the knowledge of its internment may have been systematically wiped from all history.

Fortune hunters are also at work far to the south. When a fragment of Moon's Spawn, once the home of Anomander Rake, Son of Darkness, crashed into the Rivan Sea it created a chain of small islands. Legends and rumours already surround them. The most potent of these is that here is hidden the Throne of Night, claimed by some to be the seat of Mother Dark herself. Either way, all who seek this ancient artefact – renegade mages, hardened mercenaries, even a Malazan army deserter – believe it will bestow unlimited power upon the eventual possessor. The stakes are high, greed is rife, betrayal inevitable, and murder and chaos lie in wait...

Ce quatrième tome nous permet de retrouver la cité de Darujhistan et sa galerie de personnages avec lesquels nous avions passé certains des meilleurs moments du cycle Malazan Book of the Fallen de Steven Erikson.

Malgré un petit coup de mou au milieu du livre, peut-être lié aussi à mon état de fatigue pendant la lecture, j'ai apprécié ce roman. Il est peut-être un cran en-deçà des deux précédents, mais cela reste un très bon roman de fantasy, surtout quand on apprécie l'univers créé par Steven Erikson et Ian C. Esslemont.

5. Blood and Bone

In the western sky the bright emerald banner of the Visitor descends like a portent of annihilation. On the continent of Jacuruku, the Thaumaturgs have mounted yet another expedition to tame the neighboring wild jungle. Yet this is no normal wilderness. It is called Himatan, and it is said to be half of the spirit realm and half of the earth. And it is said to be ruled by a powerful entity whom some name the Queen of Witches, and some a goddess: the ancient Ardata.

Saeng grew up knowing only the rule of the magus Thaumaturgs—but it was the voices out of that land's forgotten past that she listened to. And when her rulers mount an invasion of the neighboring jungle, those voices send her and her brother on a desperate mission.

To the south, the desert tribes are united by the arrival of a foreign warleader, a veteran commander in battered ashen mail whom his men call the Grey Ghost. This warleader takes the tribes on a raid like none other, deep into the heart of Thaumaturg lands. Meanwhile word comes to K'azz, and mercenary company the Crimson Guard, of a contract in Jacuruku. And their employer...none other than Ardata herself.

Comme dans le tome précédent, j'ai constaté un problème de rythme dans ce roman, avec un gros coup de mou au milieu du récit, comme si l'auteur prenait parfois trop de temps pour amener les personnages où il veut les amener.

Malgré tout, le résultat est plutôt plaisant et intéressant à lire. C'est clairement une critique de l'impérialisme, une satire des récits colonialistes du XIXe siècle. Il y a notamment une mise en abîme de la narration comme une mémoire historique qui s'écrit au fil des événements tout en les déformant, avec notamment des échanges hilarants entre le général de l'armée coloniale et le scribe chargé d'écrire les chroniques de la conquête.

6. Assail

To the North lies Assail. It is a land that has been impenetrable for centuries. Now, as the ice begins to melt, it starts to yield its long-hidden secrets and the steady march through this hostile environment begins. Awaiting those brave enough to make the journey is the murmured promise of riches and reverence. Some go seeking answers, some wealth, and some simply adventure.

In the South waits Silverfox. The newly incarnate Summoner of the undying army of the T'lan Imass, she will do anything in her power to halt the renewal of an ages-old crusade – a crusade that could lay waste to the entire continent... and beyond.

Shedding light on the mysteries that span the Malazan Empire, and offering glimpses into the epic history that shaped it, Assail brings this empire's epic story to a thrilling close.

Dans ce sixième et dernier tome, l’auteur nous fait voyager sur un nouveau continent, nous présente de nouveaux personnages, tout en nous permettant de retrouver ceux que nous suivons pour certains depuis le début du cycle. Le récit est plutôt bon, même s'il souffre à nouveau de quelques longueurs au milieu du roman, avec un ventre mou qu'il m'a fallu traverser plus ou moins laborieusement. Les derniers chapitres offrent en tout cas une jolie conclusion au cycle et même à certaines intrigues partagées avec le cycle de Steven Erikson.

Bilan du cycle

Globalement, ce cycle en six volumes est plutôt réussi, même si je continue de penser qu'il est un cran en-deça du cycle de Steven Erikson, qui m'avait vraiment émerveillé et parfois ému. Il est maintenant temps pour moi de dire au revoir à l'univers malazéen, avant peut-être d'y revenir dans quelques mois pour les autres romans et trilogies que les deux auteurs ont écrit depuis.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Travailler moins pour vivre mieux (Céline Marty)

J'ai entendu parler de ce livre et de son autrice dans un épisode de podcast que j'écoutais récemment, consacré à la question de la place que nous accordons au travail dans notre vie. Les propos de Céline Marty dans ce podcast m'avaient donné envie de lire l'ouvrage qu'elle a consacré à cette question.

Pourquoi nous définissons-nous par notre emploi ? Pourquoi cherchons-nous à être toujours productifs, au travail et sur notre temps libre ? D’où vient l’idée qu’il faudrait trouver une carrière qui nous passionne ?

Le productivisme est bien ancré dans nos sociétés fondées sur le travail, où il est censé satisfaire nos besoins matériels et garantir nos revenus et nos droits sociaux, voire donner un sens à nos vies. Pourtant, il n’a pas toujours été aussi central dans l’existence humaine. Comment s’est-il imposé comme une activité si cruciale, si valorisée et défendue par tant de discours politiques ?

À la croisée de la philosophie, de la sociologie et de l’histoire, Céline Marty décortique sans tabou les origines tumultueuses de notre idéologie du travail et dessine des pistes d’émancipation antiproductivistes.

Aujourd’hui, le travail blesse, tue et pollue. Face à l’urgence sociale et écologique, nous devons collectivement choisir ce que nous voulons vraiment produire. L’oisiveté pourrait-elle nous sauver ?

J'ai mis un peu de temps à entrer dans l'ouvrage, sans doute parce qu'il constitue principalement une synthèse de travaux et d'ouvrages que j'avais déjà lus auparavant, comme ceux de Danièle Linhart par exemple. L'autrice s'appuie également beaucoup sur les textes d'André Gorz, que je n'ai par contre par encore eu l'occasion de lire, un manque qu'il faudrait sans doute que je comble prochainement. Toujours est-il que pendant les premiers chapitres, le propos de l'autrice ne m'a pas appris grand chose, puisqu'elle prêchait un convaincu, déjà sensibilisé aux concepts qu'elle présente.

La suite, qui aborde des pistes de solutions, m'a heureusement semblé plus intéressante. Je ne partage pas forcément toutes les opinions exprimées par Céline Marty, notamment sur sa définition du travail que je trouve un peu restrictive, mais elle explique bien le raisonnement derrière sa définition et surtout son ouvrage a l'avantage d'ouvrir un débat salutaire dans une société où la “valeur travail” est célébrée à tort et à travers sans jamais la définir.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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