Zéro Janvier

Chroniques d'un terrien en détresse – Le blog personnel de Zéro Janvier

Je connaissais Geoffroy de Lagasnerie pour l'avoir déjà vu ou lu dans certains médias, mais je n'ai pas encore lu un de ses ouvrages. Je le connaissais également comme ami de Didier Eribon et d'Edouard Louis, et c'est d'ailleurs cette amitié qui sert de point de départ à son dernier livre publié 3. Une aspiration au dehors dont je l'ai entendu parler dans un entretien récent sur Blast et qui m'a donné envie de découvrir enfin ses textes. Mais avant de lire son dernier ouvrage, j'ai eu envie de plonger dans celui-ci, Sortir de notre impuissance politique, publié en 2020 chez Fayard.

Parce que, depuis plusieurs décennies maintenant, la gauche ne cesse de stagner, de régresser, de perdre les combats qu'elle engage, il est nécessaire d'interroger nos stratégies, nos modes de pensée et nos manières de lutter. A quelles conditions les forces progressistes peuvent-elles redevenir puissantes politiquement ?

Il s'agit d'un court essai sur 92 pages consacré à nos modes d'action militants et politiques. La forme peut d'abord surprendre : l'auteur présente son texte comme une sorte de conférence écrite ; concrètement, l'ouvrage se présente sous la forme de 74 points numérotés, chaque point étant composés d'un ou plusieurs paragraphes autour de la même idée. En avançant dans la lecture, on se rend pourtant compte que les points successifs regroupent des thématiques similaires et que le livre aurait pu être découpé en 4 ou 5 chapitres plus classiques.

Hormis ce bémol pas très grave sur la forme, j'ai été séduit par le propos. Je ne dirais pas que j'adhère totalement à toutes les idées développées ici par Geoffroy de Lagasnerie, mais il nourrit en tout cas une réelle réflexion que je vais probablement poursuivre après cette lecture. Je pourrais recommander la lecture de ce livre à tout militant qui s'interroge sur ses modes d'action et leur efficacité, pas forcément pour prendre tout au pied de la lettre, mais pour réfléchir et ouvrir des pistes.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Que faire pour changer notre société ? Exemples et propositions d'hier et d'aujourd'hui pour repenser travail, propriété et démocratie.

Il n'y a pas d'alternative, nous a-t-on répété, depuis des décennies. Bien sûr que si... Bien sûr que nous pouvons imaginer autre chose que cette société fondée sur la compétition, l'évaluation et la rentabilité ; autre chose que ce système qui nous dépossède de nos ressources et de nos choix, de notre travail et de la démocratie même ; autre chose que cette violence sociale, politique et environnementale, saccageant le vivant au point de forger une urgence dramatique inouïe.

Ce livre est non seulement porteur d'espoirs mais de projets concrets, fondés sur la solidarité, la coopération et la démocratie vraie. Ludivine Bantigny puise aux expériences du passé et du présent, s'appuie sur une longue histoire des luttes et des réalisations libératrices. Évidemment, il n'y a là ni baguette magique, ni solutions toutes faites. Mais cet ouvrage dessine des perspectives émancipatrices tangibles et renoue ainsi avec des propositions stratégiques pour un avenir enviable et un monde désirable.

Ludivine Bantigny est une historienne qui n'hésite pas à s'engager dans le débat public. J'ai toujours apprécié ses interventions, que ce soit dans des podcasts, à la radio ou dans des entretiens dans des médias indépendants. Elle y déploie à la fois la vision d'une historienne sur les mouvements sociaux et révolutionnaires et ses propres idées de citoyenne, idéologiquement proche de la gauche radicale et notamment de Frédéric Lordon.

On retrouve ce double prisme, historique et engagé, dans ce court ouvrage d'une petite centaine de pages. L'autrice tente de réponse à une question à la fois simple et large : que pouvons-nous – que devons-nous ? – faire aujourd'hui pour lutter contre le capitalisme et surtout pour imaginer et construire un autre modèle de vie en société.

Les chapitres sont courts, le propos est limpide, illustré par des exemples concrets issus du passé ou du présent. Sans surprise, je me suis totalement retrouvé dans les idées défendues par l'autrice. Plutôt qu'un manuel pratique, Ludivine Bantigny ouvre des portes, rappelle ce qui a existé, montre ce qui existe déjà, et nous appelle à imaginer ce qui pourrait exister demain.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Affinités révolutionnaires – Nos étoiles rouges et noires est un essai politique co-écrit par Olivier Besancenot et Michael Löwy et publié en 2014 aux Editions Mille et une Nuits (Fayard). J’en ai entendu parler dans un autre essai lu récemment, j’avais été séduit par une citation de cet ouvrage et le résumé consulté par ailleurs m’a convaincu :

L’histoire du mouvement ouvrier raconte en détail les désaccords, les conflits et les affrontements entre marxistes et anarchistes, jamais les véritables alliances et des solidarités agissantes entre ces deux mouvements.

Olivier Besancenot et Michael Löwy ont choisi d’éclairer ce versant ignoré, souvent délibérément, qui révèle la fraternité de leurs combats depuis la Commune de Paris jusqu’à nos jours – sans toutefois omettre leurs sanglants affrontements. Solidarités, convergences, et oppositions politiques sont passées au tamis de l’histoire par le portrait de grandes figures (Louise Michel, le Sous-commandant Marcos, Walter Benjamin, André Breton, Daniel Guérin) et la discussion autour des sujets qui divisent (la « prise du pouvoir », l’écosocialisme, la planification, le fédéralisme, la démocratie directe, le rapport syndicat/parti).

À l’occasion du 150e anniversaire de la fondation de la Première Internationale – cette Association révolutionnaire pluraliste qui a connu, au moins pendant ses premières années, des convergences significatives entre les deux courants de la gauche radicale –, l’objectif est de montrer que l’avenir sera rouge et noir : l’anti-capitalisme, le socialisme ou le communisme du XXIe siècle devront puiser à ces deux sources de radicalité.

Oscillant moi-même entre marxisme et anarchisme, sans savoir jamais où me situer entre ces deux courants mi-frères mi-antagonistes, j’étais intéressé par le projet affiché par ce livre.

Les deux co-auteurs déclinent leur propos en 4 grandes parties dont voici un bref aperçu :

Convergences solidaires – La Ière Internationale et la Commune de Paris – Le 1er Mai et les martyrs de de Chicago – Le syndicalisme révolutionnaire et la charte d'Amiens – La révolution espagnole – Mai 68 – De l'altermondialisme aux Indignés – Quelques portraits

Convergences et conflits – La révolution russe – Retour sur la tragédie de Kronstadt – Makhno : rouges et noirs en Ukraine

Quelques penseurs marxistes libertaires – Walter Benjamin – André Breton – Daniel Guérin

Questions politiques – Individu et collectif – Faire la révolution sans prendre le pouvoir ? – Autonomie et fédéralisme – Planification démocratique et autogestion – Démocratie directe et démocratie représentative – Syndicat et parti – Ecosocialisme et écologie libertaire

Les deux auteurs commencent par repartir des convergences, réelles, et des divergences, souvent tragiques, entre les “rouges” et les “noirs” depuis le XIXe siècle puis entrent dans le fond des débats, en se positionnant chaque fois clairement. Tout au long du livre, il appellent à un dépassement des désaccords passés et présents pour construire de nouvelles solidarités idéologiques et militantes entre les “frères ennemis” du mouvement révolutionnaire.

Le texte est clair, engagé et plaisant à lire. Je me suis reconnu dans plusieurs propos tenus par les deux co-auteurs, tout en m’en démarquant à plusieurs reprises. C’est toujours intéressant de toute façon, et je serais bien malheureux de lire un essai qui me dise ce que je pense déjà sans enrichir ma propre réflexion.

Si je devais émettre un bémol, c’est sur le choix des points de vue proposés dans cet ouvrage. Les deux auteurs se revendiquent marxistes, ce n'est pas un problème en soi car nous savons d'où ils parlent, ils ne s'en cachent pas : le lecteur connait leur « point de vue » (au sens propre et figuré). Par contre, je ne peux pas m'empêcher de penser que le projet du livre aurait été mieux servi par un dialogue entre un marxiste et un libertaire, pour confronter deux visions et enrichir la réflexion de chacun. Ainsi, la quatrième partie éclairant les débats entre marxistes et libertaires aurait gagné à confronter (pacifiquement et intellectuellement) les arguments marxistes et libertaires, y compris pour constater parfois des accords sincères ou de profonds désaccords. A la place, nous avons finalement une unique point de vue, ou deux très proches, clairement d’inspiration trotskiste. Le lecteur est prévenu, il n’est pas pris en traitre et ne peut pas vraiment s’en plaindre, mais je me dis que l’éditeur est peut-être passé à côté d’une occasion de faire dialoguer deux points de vue un peu plus éloignés.

La conclusion est un appel à se réapproprier ou à réinventer un marxisme libertaire à travers des luttes communes et une société à imaginer et à construire ensemble. Je ne peux évidemment qu’y souscrire.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Terra Humanis est un roman de science-fiction de Fabien Cerutti, publié en juin 2023 aux Editions Mémos. Le résumé nous promet un récit entre fiction climatique et utopie écologique :

Dans un futur proche, une femme entourée d’un groupe d’amis fidèles s’engage à mettre en œuvre les changements nécessaires qui sauveront le XXIe siècle.

Par son destin hors du commun, parviendra-t-elle à conduire l’humanité vers une voie heureuse, loin des années dystopiques qui s’annoncent ?

Le roman est construit avec de courts chapitres où on passe d'une période à une autre, avec des allers-retours entre les décennies du XXIe siècle. Ce n'est pas désagréable et cela se lit bien car c'est construit intelligemment, on est souvent dépaysés mais jamais totalement perdus.

Je dois dire que j’étais assez partagé au moment de refermer ce roman. Le début et le coeur du roman, disons les trois premiers quarts, m’ont semblé d’une naïveté confondante. Tout le récit repose sur un petit groupe de personnes, évidemment bien éduquées ; car heureusement le petit peuple, ignare et dangereux, est guidé par des personnes bien nées, dont le couple formé par Rebecca et Luc que nous suivrons tout au long du roman.

J’ai eu du mal à croire aux succès de ce groupe qui souhaite combattre le réchauffement climatique avec des moyens d’envergure. Je pense que le coeur de mon problème avec ce roman est dans la vision de l’écologie qu’il véhicule : « apolitique » et incapable de lutter à la racine du problème, c’est-à-dire le modèle capitaliste. On se retrouve avec une ribambelle de bonnes intentions qui, à mon sens, ne sont pas crédibles et passent complètement à côté des enjeux. Passons rapidement sur l’opposition grossière entre les gentils écologistes conciliants avec le capitalisme et les méchants éco-terroristes violents et radicaux …

Tout est résumé dans ce passage :

Le propos sera de condamner avec la plus grande fermeté la brutalité mais aussi de montrer que les motivations des débordements sont compréhensibles. Et que ce type d'événements risque de se répéter. Il est capital de dédouaner Terra Humanis de toute responsabilité dans cette révolte. La colère n'excuse jamais la violence.

On reconnaît ici l'idéologie dominante, par la voix de nantis qui condamnent la violence tout en passant sous silence la violence sociale qu'ils n'ont jamais connue. J’ai parlé de naïveté tout à l’heure, mais je devrais plutôt parler d’aveuglement coupable.

J’ai conscience que l’avis que je donne ici sur ce roman se base avant tout sur mes propres opinions politiques, mais je pense que les fictions ont une responsabilité d’éveil et d’émancipation. Je comprends qu’un auteur de science-fiction puisse se reconnaître dans l’écologie gentillette à la sauce Jean-Marc Jancovici et Hugo Clément (qui sont d’ailleurs cités dans la bibliographie) mais j’ai du mal à me passionner pour une fiction qui véhicule cette idéologie.

Je dois tout de même avouer que le dernier quart m'a semblé bien meilleur, avec un rebondissement dont je vais éviter d'en dire trop pour vous laisser la surprise. Il conclut en tout cas de façon plus intéressante un roman qui m’aura globalement déçu.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Moon Rising est le dernier tome de la trilogie de science-fiction Luna de l’écrivain britannique Ian McDonald. Comme la quatrième de couverture l’indique, l’heure de l’explication finale est venue :

A hundred years in the future, a war wages between the Five Dragons—five families that control the Moon’s leading industrial companies. Each clan does everything in their power to claw their way to the top of the food chain—marriages of convenience, corporate espionage, kidnapping, and mass assassinations.

Through ingenious political manipulation and sheer force of will, Lucas Cortas rises from the ashes of corporate defeat and seizes control of the Moon. The only person who can stop him is a brilliant lunar lawyer, his sister, Ariel.

Witness the Dragons' final battle for absolute sovereignty in Ian McDonald's heart-stopping finale to the Luna trilogy.

Le récit poursuit dans la lancée du tome précédent. La lutte pour le contrôle de la Lune se poursuit mais les lignes bougent une fois de plus : les grandes puissances étatiques et capitalistes de la Terre veulent prendre le contrôle de la Lune, alors que les Dragons, anciens rivaux pour le contrôle économique de la Lune, sont désormais tentés de s’allier pour contrer l’influence terrestre et envisagent l’indépendance de la Lune.

Sur la forme, là où les deux premiers tomes qui étaient composés d'une dizaine de longs chapitres, celui-ci comprend 26 chapitres plus courts. Cela contribue peut-être à accéder encore le rythme, pourtant déjà intense depuis le début de la trilogie. Les deux premiers tomes ne manquaient pas de rebondissements mais l’auteur pousse le curseur encore plus loin pour ce dernier volume. Cela part même dans tous les sens, au point que j'aurais du mal aujourd’hui à résumer tout ce qui s’y passe.

Quoiqu’il en soit, cette conclusion de la trilogie est à la hauteur de ce qui a précédé. J’ai lu ce troisième tome avec beaucoup de plaisir, entrainé par le récit haletant et toujours séduit par les personnages. Le début de la trilogie était riche en promesses, et l’auteur les a toutes tenues. C’est à mes yeux de la très bonne science-fiction, dépaysante et divertissante. Je suis ravi d’avoir découvert cette trilogie et d’avoir visité la Lune de Ian McDonald le temps de quelques semaines, en compagnie de la famille Corta et de ses alliés et ennemis.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Wolf Moon est le deuxième tome de la trilogie de science-fiction Luna de l’écrivain britannique Ian McDonald. La quatrième de couverture promettait les mêmes ingrédients qui m’avaient plu dans le premier volume :

A Dragon is dead.

Corta Helio, one of the five family corporations that rule the Moon, has fallen. Its riches are divided up among its many enemies, its survivors scattered. Eighteen months have passed .

The remaining Helio children, Lucasinho and Luna, are under the protection of the powerful Asamoahs, while Robson, still reeling from witnessing his parent’s violent deaths, is now a ward—virtually a hostage— of Mackenzie Metals. And the last appointed heir, Lucas, has vanished of the surface of the moon.

Only Lady Sun, dowager of Taiyang, suspects that Lucas Corta is not dead, and more to the point—that he is still a major player in the game. After all, Lucas always was the Schemer, and even in death, he would go to any lengths to take back everything and build a new Corta Helio, more powerful than before. But Corta Helio needs allies, and to find them, the fleeing son undertakes an audacious, impossible journey—to Earth.

In an unstable lunar environment, the shifting loyalties and political machinations of each family reach the zenith of their most fertile plots as outright war erupts.

Le récit reprend dix-huit mois après la fin du premier volume ; les survivants de la famille Corta sont séparés, exilés ou cachés :

  • Lucas, présumé mort par sa famille et ses ennemis, s’est réfugié in-extremis dans un vaisseau qui fait l'aller-retour entre la Terre et la Lune et cherche à rejoindre la Terre, au péril de sa vie, pour assouvir sa vengeance contre ceux qui ont provoqué la chute de sa famile
  • Ariel, protégée par Marina dans les hauteurs de Meridian, tente de sauver sa carrière d'avocate à succès tout en navigant dans les hautes sphères politiques
  • Wagner, le fils maudit, est réduit à travailler à la surface comme mercenaire au service des Sun
  • Robson, le fils orphelin de Rafa, a treize ans et a été récupéré par les Mackenzie, la famille de sa mère
  • Lucashino, désormais âgé de dix-neuf ans mais toujours aussi immature, est en exil à Twé, protégé par les Asamoahs, la famille de sa petite amie Abena

Ce deuxième volume est dans la lignée du premier, avec des intrigues, des complots, des histoires de famille, et de l’action spectaculaire. Les lignes bougent, les alliés d’hier peuvent devenir les ennemis de demain, au gré des surprises, des retournements de situation et des trahisons qui s’enchainent tout au long du roman. Par rapport au premier tome, le récit est un moins centré sur les Corta, nous découvrons un peu plus les entrailles des familles MacKenzie et Sun.

Il n’y a toutefois pas que des histoires de vengeance et de complots, l’auteur nous offre également des moments très forts dans d’autres registres. J’ai notamment été très marqué par le chapitre qui raconte le voyage de Lucas vers la Terre, avec tout l'entraînement indispensable et la souffrance que son corps, né sur la Lune, subit sous la gravité terrestre. J’ai également beaucoup aimé la relation entre Robson et son oncle Wagner, où comment deux solitaires se retrouvent et se lient tant bien que mal.

Globalement, j’ai beaucoup aimé ce deuxième volume, je crois même l’avoir lu un peu plus vite que le premier, tant j’ai été emporté par le récit haletant et finement écrit. Je vais évidemment enchainer directement avec le troisième et dernier tome, impatient de découvrir la conclusion de cette trilogie.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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New Moon est le premier tome de la trilogie de science-fiction Luna de l’écrivain britannique Ian McDonald. Certains ont qualifié cette trilogie de Games of Thrones dans l’espace, mais personnellement j’aurais plutôt tendance à parler d’un mélange de Dallas et des Sopranos sur la Lune. Le résumé en quatrième de couverture décrit d’ailleurs assez bien l’ambiance :

The Moon wants to kill you.

Maybe it will kill you when the per diem for your allotted food, water, and air runs out, just before you hit paydirt. Maybe it will kill you when you are trapped between the reigning corporations-the Five Dragons-in a foolish gamble against a futuristic feudal society. On the Moon, you must fight for every inch you want to gain. And that is just what Adriana Corta did.

As the leader of the Moon's newest “dragon,” Adriana has wrested control of the Moon's Helium-3 industry from the Mackenzie Metal corporation and fought to earn her family's new status. Now, in the twilight of her life, Adriana finds her corporation-Corta Helio-confronted by the many enemies she made during her meteoric rise. If the Corta family is to survive, Adriana's five children must defend their mother's empire from her many enemies... and each other.

Dans le futur imaginé par Ian McDonald, la Lune est un enfer capitaliste, où tout se négocie et se monnaye : l'eau, l'air, le carbone, le réseau informatique, et même les mariages et les enfants. Cinq familles dominent les affaires lunaires : chacune est à la tête d’une compagnie ayant le monopole sur un secteur essentiel, et elles s’affrontent plus ou moins ouvertement pour le contrôle de la Lune. Au programme : intrigues et coups, bas, y compris au sein de sa propre famille.

Les personnages principaux que l’auteur met en scène sont issus de la famille Corta, la dernière dynastie installée sur la Lune. Ils sont méprisés et traités comme des parvenus par les autres familles. Nous suivons notamment :

  • Adriana, la matriarche, qui a quitté le Brésil et la Terre et faisait partie des premiers colonisateurs de la Lune, où elle a fondé une compagnie d'extraction d'hélium et une dynastie au détriment de ses anciens employeurs
  • Rafa, le fils aîné et héritier désigné de la compagnie, charismatique et colérique
  • Lucas, le fils cadet, jaloux de la place de Rafa, froid, calculateur et ambitieux
  • Ariel, la seule fille d'Adrianna, qui a choisi une carrière d'avocate à la capitale plutôt que de travailler pour la compagnie familiale
  • Carlinhos, le troisième fils, combattant hors pair qui travaille surtout à la surface pour protéger les installations d'extraction d'hélium de la famille
  • Wagner, le fils renié et déshérité par sa mère, mais qui met tout de même son intelligence et ses talents d’analyse au service de la compagnie et de la famille
  • Lucashino, le fils de Lucas et petit-fils de la matriarche, un adolescent de dix-sept ans, futé, charmeur et rebelle

Si l’univers imaginé par Ian McDonald est dur et sombre, l’auteur y met en scène des personnages attachants et profondément humains. J’ai bien aimé cet équilibre entre des personnages imparfaits qui se débattent dans un monde dangereux et cruel. Certains personnages peuvent sembler agaçants au début du roman, mais on se surprend ensuite à être terriblement émus par leur destin.

J’ai également beaucoup aimé le voyage très évocateur sur la Lune proposé par l’auteur. On croit totalement à ces cités lunaires et cette surface qui ne pardonne aucune erreur. J’ai notamment adoré l'idée de la résidence souterraine (sous-lunaire ?) de la famille Costa, où l'on continue de creuser et de construire pour accueillir les nouvelles générations. Je dois également saluer la cohérence de la société lunaire imaginée par Ian McDonald, avec sa sexualité très libre, la frontière abolie entre les genres, et les mariages entre personnes de même sexe qui sont monnaie courante, arrangés et négociés comme n'importe quel autre mariage.

Le récit s’articule autour de longs chapitres, donnant chacun la parole à de multiples personnages-points de vue, entrecoupés de chapitres plus courts qui constituent la “confession” d'Adriana au crépuscule de sa vie, relatant son parcours lors des premières années de la colonisation lunaire, jusqu’à la fondation de sa compagnie. Le récit est passionnant du début à la fin, avec une accélération du rythme dans le dernier chapitre, et un final haletant qui donne très envie de lire la suite.

J’ai adoré ce premier volume, c’est de l’excellente science-fiction. Si les deux romans suivants de la trilogie sont du même niveau, cela risque d’être l’un de mes gros coups de coeur de lecture cette année.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Politiser le bien-être est un essai de Camille Teste, ancienne journaliste et désormais professeure de yoga. Il a été publié en avril 2023 par l’éditeur et studio de podcasts Binge Audio, c’est d’ailleurs en écoutant l’un des podcasts de ce studio que j’ai découvert ce livre dont la description m’avait tout de suite donnée envie :

Vous avez trop de travail ? Faites du yoga ! Vous allez mal ? Devenez la meilleure version de vous-même !

Méditation, sport, coaching, thérapies, massages, yoga : prendre soin de soi s’inscrit souvent dans une logique néolibérale de consommation et de perfectionnement inatteignable. Coûteuses et normatives, les pratiques de bien-être ne s’adressent souvent qu’aux personnes jeunes, blanches, riches ou valides. Elles prétendent apporter des solutions individuelles à des problèmes collectifs ; or les petits gestes ne changeront pas le monde.

Pourtant, il n’y a rien de mal à vouloir se sentir bien. S’occuper de sa santé mentale et physique est même d’autant plus nécessaire quand on est affecté·e par les injustices.

Alors que faire ? Peut-on être révolutionnaire et faire du yoga ? Méditer et se battre pour sa planète ? Prendre soin de soi, est-ce de l’égoïsme ou une autre façon de lutter ? Dans cet essai documenté, Camille Teste propose de hacker les pratiques de bien-être pour en faire de puissants outils d’émancipation et de changement politique.

L’ouvrage est composé de deux grandes parties :

Dans la première partie, Camille Teste commence par déconstruire l'industrie du bien-être qui promeut et est promue par l'idéologie dominante, le néo-libéralisme. Elle montre notamment comment, au-delà de l’aspect purement mercantile de certaines approches, l’industrie du bien-être passe sous silence certaines oppressions et promeut une vision hyper-individualiste du bien-être. Elle décrit également comment le bien-être est mal perçu dans les milieux militants progressistes et révolutionnaires, tout en le regrettant et en appelant à remettre en cause certains aprioris.

Dans la seconde partie, l’autrice tente ensuite de proposer des façons de se ré-approprier le bien-être au sein des espaces militants progressistes et révolutionnaires. Cela passe d’abord par la remise en cause de certains présupposés conscients ou inconscients de la part des « praticiens », dans des démarches inclusives et horizontales. Dans cette partie, Camille Teste illustre son propos de nombreux exemples concrets avec des pratiques qu’elle a eu l’occasion d’expérimenter et qu’elle nous présente de façon très claire.

J’ai commencé ce livre en me disant que le thème m’intéressait mais sans trop savoir à quoi m’attendre, et je dois dire que j’ai été épaté par la qualité du texte. Le propos est clair et très pertinent, parfaitement documenté, riche en exemples. J’ai été totalement convaincu par le plaidoyer de Camille Teste.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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La Machine : Les Fils du Feu est un roman de l’autrice belge d’origine espagnole Katia Lanero Zamora, publié en mars 2023 chez ActuSF. Il s’agit du second tome d’un diptyque de fantasy historique qui revisite la guerre civile d’Espagne.

Après des mois de tension, la guerre civile s’est abattue sur Panîm et l’enfer se déchaîne sur ses habitants. Les troupes de la toute jeune république et celles des anarchistes de La Machine tentent de résister à l’armée des royalistes, mieux financée et mieux équipée. Dans ce tourbillon sanglant, la famille Cabayol a littéralement explosé. Les deux frères, Andrés et Vian, sont dans des camps opposés. Un face-à-face mortel malgré l’amour qui les unit. Une histoire de sang, de batailles, de fièvre et de révoltes !

Le récit reprend deux ans après la fin du premier tome. La guerre civile fait rage. D’un côté, Andrés est engagé dans les troupes de la Machine, l’organisation anarchiste qui lutte aux côtés de l’armée régulière du gouvernement républicain. De l’autre, Vian est officier dans l’armée royaliste soutenue par l’Eglise.

Je crois que ce second tome est encore meilleur que le premier. Maintenant que le décor est planté, que la guerre civile est déclenchée, l’autrice peut s’attacher à mettre en scène ses personnages dans des situations terribles qui révèlent leur personnalité profonde. Plus que l’action et la guerre, c’est l’identité d’Andrés et Vian qui est en jeu tout au long du roman.

Il y a beaucoup de beaux moments dans ce roman, mais si je devais en garder un, ce serait probablement la scène où Vian rend visite aux parents de Mathis dans leur boutique d’antiquaires. Elle ne dure que quelques pages, mais elle m’a profondément ému. Elle résumé à elle seule la beauté de ce livre : mettre en scène une guerre civile à travers des personnages imparfaits mais terriblement attachants.

Je dois dire que je ne sais pas quoi dire de plus sur ce diptyque, à part vous recommander chaudement de sauter dessus si vous vous intéressez à la guerre d’Espagne et plus généralement si vous voulez lire une fresque historique et familiale, tragique et touchante.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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La Machine est un roman de l’autrice belge d’origine espagnole Katia Lanero Zamora, publié en janvier 2021 chez ActuSF. Il s’agit du premier tome d’un diptyque de fantasy historique qui revisite la guerre civile d’Espagne.

Nés dans le confort de la famille noble des Cabayol, Vian et Andrès étaient deux frères inséparables.

Mais dans un pays en guerre dans lequel non seulement la révolution gronde mais où les anciens royalistes fourbissent leurs armes pour renverser la République, ils vont devoir choisir leur camp...

Grande fresque familiale où les bouillonnements politiques rejoignent les errements intimes, La Machine est une œuvre forte, absolue et puissante.

L’action se déroule dans un univers de fantasy mais dans une ambiance hispanique fortement inspirée de l’Espagne des années 1930. Jugez plutôt : quelques années après la chute de la monarchie, la jeune république est encore fragile, prise dans l'étau de royalistes revanchards soutenus par l'Eglise et de la Machine, des révolutionnaires qui veulent aller plus vite et plus loin.

Le récit est centré sur deux frères issus d’une famille de propriétaires terriens anoblis seulement deux générations plus tôt. L’aîné, Andrès, s’est rebellé très tôt et soutient la Machine, tandis que son cadet de deux ans, Vian, est destiné à une carrière militaire et à un mariage arrangé.

Ce qui est remarquable avec ce roman, c’est que même en sachant vers quoi le récit va nous amener, il le fait parfaitement. Ce premier tome décrit parfaitement la situation qui précède le coup d’Etat et la Révolution. La tension monte progressivement, entre des royalistes qui n’ont jamais accepté la République, des propriétaires terriens qui sentent le vent de l’histoire tourner en leur défaveur mais s’accrochent à leurs privilèges, et un peuple qui appelle la République à tenir ses promesses d’égalité et cherche simplement une vie digne pour chacun.

Le destin d’Andrès et Vian est traversé par ces bouleversements sociaux et politiques, et l’autrice parvient parfaitement à mêler les aspects intimes et politiques de cette histoire.

J’ai dévoré ce premier tome en deux jours, et il est très probable que le second suive le même destin. J’ai hâte, en tout cas, de découvrir le destin d’Andrès, de Vian, et de leurs proches.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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