Je vous en parlais très récemment, j’ai découvert le philosophe Pierre Crétois dans une conférence vidéo qu’il donnait sur Blast sur le thème de la propriété privée. J’ai d’abord lu La part commune publié en 2020 et j’ai enchainé avec La copossession du monde, publié en 2023 aux éditions Amsterdam.
« La propriété ou le chaos ! » s’écrient en chœur les thuriféraires de l’ordre propriétaire. Parce que, disent-ils, la propriété sépare le tien et le mien, elle protège la liberté individuelle et assure l’harmonie sociale. Condition de l’échange, elle fonde l’activité économique et favorise l’enrichissement collectif. À les écouter, elle n’aurait que des vertus. C’est faire peu de cas de ses funestes conséquences – la pollution et l’épuisement des ressources naturelles, par exemple –, mais c’est aussi abandonner au marché des questions qui devraient relever de la délibération politique.
Or, cet ouvrage le démontre, l’intérêt économique ne se confond pas avec le bien commun. Pour endiguer le creusement des inégalités sociales et la destruction de la planète, on ne peut s’en remettre aux chimères du tout-marché ou de la démocratie de consommateurs. Un radical changement de perspective s’impose : il faut défendre des principes autonomes de justice pour remettre la propriété à sa place et l’envisager non plus comme le socle de la vie en communauté mais, au contraire, comme une modalité du commun intégrant les droits d’autrui et ceux des générations futures.
C’est un livre dense, j’ai parfois eu du mal à me concentrer pour tout lire en détail, mais l’argumentation de Pierre Crétois est lumineuse et radicale, au sens strict du terme : il s’attaque aux racines des choses, ici la notion de propriété privée, ses excès, ses limites et les remises en cause possibles. Il plaide pour une redéfinition des droits de propriété au profit d’une prise en compte de toutes les parties prenantes et d’une « copossession du monde », comme l’indique le titre.
Je vous propose ici à la fois une synthèse personnelle et des extraits du texte de l’auteur.
Introduction
Mon propos peut se résumer par la formule de Thomas Scanlon – que je me permettrai d’utiliser librement : ce que nous nous devons les uns aux autres. Ce que nous nous devons les uns aux autres ne peut se réduire au respect de ce qui appartient à autrui, mais devrait pouvoir faire l’objet de négociations démocratiques et/ou d’une réflexion à partir de principes politiques indépendants.
Aussi, contre la représentation d’une propriété des choses qui ancre la possibilité d’écarter absolument autrui de ce qui est à soi, il s’agira bien plutôt, si l’on vise la justice, d’inscrire dans la définition même des droits de propriété les droits d’autrui, des générations actuelles et des générations futures. La condition d’une telle refondation est que les choses ne puissent plus appartenir exclusivement à qui que ce soit et qu’elles soient considérées comme coappertenant à tous ou comme étant copossédés. Dès lors, il serait impossible de se dire propriétaire d’une chose ; tout au plus pourrait-on posséder certains droits sur les choses, droits compatibles avec « ce que nous nous devons les uns aux autres ».
Être propriétaire, ce n’est pas avoir une chose à soi à l’exclusion des autres mais avoir une chose toujours en partage avec les autres, de sorte que les droits qui portent sur cette chose incluent et prennent en compte le point de vue des autres. Il nous faut par exemple repenser le droit de propriété de l’industriel sur son usine pour qu’il soit compatible avec le droit des autres à bénéficier d’un environnement non pollué ; il faut montrer que le droit de transférer ce qui nous appartient ou de recevoir des ressources par transfert (don, salaire, héritage, etc.) n’est pas sans limite et d’une définition équitable du droit de propriété devrait inclure une conception fine du droit de transfert, capable d’assurer que des cadres généraux de la structure distributive des sociétés restent conformes à certains principes de justice équitables.
Redéfinir la propriété non comme le fait d’avoir tous les droits sur une chose mais comme le fait de détenir des droits limités sur cette chose, droits fondés sur le commun, ouvre donc des perspectives et des pistes fructueuses pour une réflexion renouvelée sur la justice et les limites du marché.
1. L’ordre propriétaire et ses défenseurs
Dans ce premier chapitre, Pierre Crétois décrit la logique et les justifications de l’ordre propriétaire. Ces justifications sont de deux ordres :
- une voie négative qui défend l’idée que l’absence de propriété privée aurait des conséquences néfastes, que ce soit du point de vue de la société (chaos ou totalitarisme où les droits individuels seraient bafoués) ou du point de vue des ressources (la « tragédie des communs »)
- une voie positive qui affirme que la propriété aurait des effets avantageux en terme d’agencement social (absence d’arbitraire, pacification des rapports sociaux, bonheur commun atteint par l’addition des choix individuels)
Je ne vais pas entrer ici dans le détail, notamment parce que ce n’est pas la partie qui m’a semblé la plus intéressante du livre – quoique utile –, mais Pierre Crétois mobilise les textes d’Hobbes, de Malthus et ses successeurs malthusiens, d’Hardin (et son fameux article sur la « tragédie des communs »), et d’Hayek pour décrire l’ordre propriétaire, ses justifications par ses défenseurs, et commencer à en faire apparaître les contradictions ou en tout cas les possibilités d’en faire une critique.
2. Illusions et défaillances de l’ordre propriétaire
Dans la deuxième partie, Pierre Crétois présente sa critique de l’ordre propriétaire et de ses justifications tels qu’il les a décrits dans la première.
L’ordre spontané comme désordre
La société engendrée par l’ordre propriétaire présente des désordres systémiques : elle présente des conditions très avantageuses pour certains membres de la société et défavorables pour les autres. De telles inégalités sont facteurs de désordre : d’une part certains individus vont vouloir sortir d’un jeu dont ils sont toujours les perdants, et donc ne plus respecter l’ordre ; d’autre part les conséquences négatives du système à long terme finiront par affecter l’ensemble des individus.
La propriété est incapable de conduire à l’autorégulation globale dont elle semblait initialement porteuse.
L’esprit propriétaire contre l’esprit civique
L’ordre économique n’est possible que dans un cadre où le droit de propriété est respecté parce que perçu comme respectable ou mutuellement avantageux. L’économiste tend à ignorer l’hypothèse d’une situation où le meilleur calcul puisse être de ne plus respecter la propriété. Or, il s’agit d’une hypothèse essentielle à l’ordre économique lui-même : la possibilité du désordre et du non-respect de sa structure de base. Cela oblige à admettre qu’il n’y a pas d’ordre économique sans ordre politique.
Ainsi, pour éviter l’effondrement du premier, il est nécessaire que celui-ci se maintienne dans une structure de base qui en assure l’équité pour tous. Pour qu’il y ait de l’ordre, il faudrait que chacun puisse jouir d’une part perçue comme juste des ressources collectivement produites, c’est-à-dire que nul n’ait intérêt à désobéir à des règles qui profitent à tous de façon équitable.
Le rôle de l’État comme garant du droit de propriété :
Comme c’est grâce à l’intervention de l’État que le droit de propriété est garanti, la puissance publique, en contraignant les individus déshérités à respecter la propriété privée, les force à agir contre leurs intérêts et met même toute sa force à conserver la position dominante des plus fortunés. Marx et Engels parlent d’État bourgeois. Pour eux, l’État n’est pas l’incarnation de la Raison, il est le résultat de l’affrontement matériel des intérêts et l’incarnation de la classe dominante.
Quand l’État s’en tient à la défense de la propriété privée en tant que droit fondamental, on peut légitimement le considérer comme « État bourgeois », dont Marx et Engels envisagent le dépassement par l’expropriation des expropriateurs, c’est-à-dire l’abolition de la propriété privée – en particulier des moyens de production et des capitaux. De cette façon, l’État cesserait d’être le bras armé des possédants pour devenir l’organe du peuple. Il faut donc, pour être légitime, que l’État fonctionne et mobilise la force qu’il établit sur l’obéissance collective au profit de tous. Tant qu’il continuera de mobiliser la force publique pour garantir la seule position dominante des possédants, il pourra légitimement être perçu comme illégitime par ceux qui n’ont rien.
Les inégalités produites par de forts écarts de propriété peuvent également effriter le sentiment d’appartenir à une même société et en avoir un destin commun. La propriété, quand elle est inégalitaire, produit donc des conflits de classes et une forte instabilité sociale.
L’auteur oppose l’ordre propriétaire, qui ramène chacun exclusivement à ce qui est à lui, au mépris de ce qui appartient à tous en commun et du destin de ses concitoyens, et l’ordre civique, qui subordonne la propriété à des considérations d’ordre politique.
La minoration de l’esprit propriétaire par l’esprit civique est un élément essentiel de l’unité de la cité, de la société. Pour faire société, il faut aller au-delà de rapports utilitaires, il faut avoir le sentiment de partager un destin commun et d’appartenir à un tout dont il convient que nous prenions soin des parties.
Marché, propriété et domination
Le marché ne parvient pas à tenir sa promesse de liberté. Il crée au contraire des disparités qui structurent des rapports de pouvoir qui rendent possible des formes d’extorsion (« exploitation » selon Marx). L’égalité entre les partenaires au sein des marchés est fictive, la liberté des agents l’est donc tout autant.
Selon Marx, quand un travailleur vend sa force de travail, il subit une double extorsion :
– il ne récolte plus les fruits de son travail, qui sont accaparés par le propriétaire des moyens de production
– Il devient l’instrument passif de la volonté d’un autre, il est dépossédé de la maîtrise et du sens de son propre travail en étant intégré à une chaîne de commandement
Le consentement du travailleur au contrat de travail ne suffit pas à nier l’extorsion, car les situations initiales de l’employé et de l’employeur sont asymétriques en raison de l’appropriation des moyens de production : l’échange se fait dans une structure inégalitaire de domination. C’est le propre de la domination de s’exercer avec le consentement apparent des agents.
Trompeuse démocratie des consommateurs
La démocratie des consommateurs (« voter avec son porte-monnaie », « consommer responsable ») s’assimile à un capitalisme total, où chaque individu doit agir comme un consommateur sur un marché, dans tous les aspects de sa vie. Chacun intériorise alors la domination capitaliste, le prolétaire lui-même est transformé en petit capitaliste et ne peut s’en prendre qu’à lui même et à ses propres choix individuels.
Plusieurs objections à cette « démocratie des consommateurs » :
– sur le marché, c’est souvent l’offre (des entreprises) qui guide la consommation, il ne peut donc pas y avoir de démocratie si les choix sont restreints, guidés et contraints
– l’individu-consommateur et l’individu-citoyen ont des modes de prise de décision différents et donc des comportements différents ; le consommateur cherche son propre intérêt économique, privilégie le temps court, et par ailleurs ne connaît pas forcément toutes les conséquences (sociales, environnementales, etc.) de ses choix de consommation
Les choix individuels ne cautionnent pas forcément les conséquences globales. Exemple : on peut payer un prix élevé pour assister à un concert sans être favorable aux revenus exorbitants de la pop-star.
La démocratie permet la dissociation entre l’individu et le citoyen : on peut ainsi voter « contre son propre intérêt », ou en tout pour ce que l’on considère comme le bien commun, indépendamment de son intérêt personnel.
L’anti-tragédie des communs
Pour éviter la tragédie des communs, inéluctable si l’on se donne un agent rationnel maximisateur n’ayant aucune communication avec les autres, il faudrait donner à la collectivité la gestion du champ en lui permettant de distribuer les droits et les devoirs à chacun de ses membres.
L’ordre n’est alors pas rendu possible par la propriété privée mais par le recours à des formes de codécision et de partage des droits sur la ressource permises par l’existence d’une communauté soudée définissant les droits des individus et assurant la gestion des conflits.
Concernent les biens communs ou publics, on peut aussi raisonner en liberté d’usage plutôt qu’en terme de propriétaire : je ne suis pas propriétaire du jardin public, je ne peux pas le vendre ou y creuser un trou pour construire une fontaine, mais je peux m’y promener en toute liberté pendant les heures d’ouverture.
Une autre piste : l’économie du partage. Qui a besoin d’une perceuse 24/24 toute l’année ? Exemple des buanderies communes, courantes dans les immeubles de New-York.
Il s’agit à présent d’intégrer la définition des usages privés dans la perspective du commun, à travers l’idée régulatrice de la copossession des choses. Les usages privés des choses doivent désormais être conçus comme parties du bien commun.
3. La politique comme copossession du monde
Selon mon approche, on ne peut pas être propriétaire des choses (au sens exclusif du terme), on ne peut qu’être titulaire, sur elles, de droits relatifs aux droits des autres. La nature de l’articulation des droits divers qui portent sur les mêmes choses est précisément ce qui doit faire l’objet d’une délibération publique ouverte et impartiale visant à rendre une vie sociale mutuellement avantageuse.
Une telle approche permet de clarifier le concept de propriété pour le rendre compatible non seulement avec les exigences de la justice sociale mais aussi la lutte contre la pollution et la préservation de l’environnement sur le long terme. Nul n’est propriétaire des choses elles-mêmes car, si d’autres que le propriétaire ont des droits sur elles, c’est qu’elles ne peuvent être la propriété absolue de personne. La copossession du monde désigne l’existence d’un partage des droits sur les choses.
La propriété n’est pas un droit fondamental
Aussi s’agit-il toujours de penser non pas une liberté séparée et absolue mais une liberté solidaire d’un système dont le principe, pour qu’il soit équitable, est d’offrir le même éventail de libertés égales pour tous compatible avec celles des autres. Il n’y a donc aucune raison que l’un ait plus de libertés que d’autres (liberté de nuire, de polluer, de mettre en danger) parce qu’il est propriétaire d’une voiture, d’une usine ou encore d’un vaste capital. Le droit de propriété conçu comme une liberté de base devrait nécessairement intégrer la prise en comptes de l’ensemble des droits dont tous les autres doivent également pouvoir bénéficier : il doit être pensé dans l’écosystème des libertés où il s’inscrit.
La copossession politique comme condition de la garantie d’une justice sociale
C’est pourquoi il ne faut pas considérer les individus comme de potentiels propriétaires des choses mais comme les détenteurs de l’ensemble des droits sur ces choses compatibles avec la conservation d’une distribution acceptable par tous les partenaires dans des conditions définies. Encore une fois, il n’y a pas de propriété des choses mais une structure de droits et de devoirs chargée de maintenir sur le long terme la distribution issue des échanges dans des cadres qui la rendent globalement acceptable.
Ainsi, la possibilité de limiter les libertés économiques et d’imposer les ajustements nécessaires au maintien d’une structure de base équitable conduit à récuser tout droit de propriété absolu au nom d’une conception contractualiste de celui-ci. Une telle affirmation de la copossession politique du monde, loin de mettre en péril la propriété des individus, permettrait de la fonder sur le commun, donc de lui assurer une légitimité et une solidité supérieure.
La dette sociale comme mesure de la copossession du monde
S’il est vrai que ce que nous parvenons à acquérir par notre activité professionnelle n’est pas l’effet de notre activité isolée mais dépend de la chaîne de coopération qui nous relie les uns aux autres et même aux générations passées et futures, alors on ne peut, moralement, en revendiquer une propriété parfaite. L’intuition qui sous-tend cette thèse est simple : nous ne devons pas ce que nous avons à notre seul effort ou mérite personnel, il n’y a donc aucun fondement moral à ce que nous revendiquions un contrôle absolu sur ce qui nous appartient et à ce que nous considérions n’avoir aucun compte à rendre à quiconque en ce qui concerne notre propriété.
Ainsi, nous n’aurions rien pu acquérir sans l’apport de tous les échanges sociaux, sans tout ce qui nous a été donné par l’ensemble des enseignements reçus, par le travail que d’autres fournissent pour nous, parce ce qu’autrui nous donne en échange des fruits de notre activité, par les rencontres fortuites … Nous ne produisons rien seul, mais tout ce que nous produisons par notre travail est rendu possible par un certain état de la société. En réalité, on peut considérer que nous profitons quotidiennement des savoirs façonnés par les générations qui nous ont précédés et que nous les exploitons dans notre intérêt exclusif, sans jamais payer notre dette. Et nous pourrions multiplier les exemples qui montrent qu’il n’existe pas de self-made-man pouvant affirmer que tout ce qu’il a et tout ce qu’il est est le fruit de son seul effort personnel. C’est une autre manière de dire que les plus socialement avantagés, et non les plus pauvres, sont les véritables débiteurs de la société. Par conséquent, on peut considérer que ce que nous avons est, d’une certaine manière, copossédé.
La copossession politique du monde contre la domination fondée sur l’appropriation privative
Affirmer la copossession politique du monde pour donner à l’autonomie politique des individus toute la place qui doit être la sienne, voilà notre ambition. Mais, pour ce faire, il faut aussi empêcher les individus d’imposer unilatéralement leur volonté aux autres. Or, et le phénomène bien connu de l’exploitation, le droit de propriété permet à ceux qui possèdent les moyens de production de faire primer leur volonté sur celle de leurs employés.
Si l’on prend le point de vue des droits relatifs dont nous disposons sur les ressources, une juste distribution de ceux-ci, si l’on vise un idéal de non-domination au sein d’une communauté composée de citoyens égaux, ne doit pas nécessairement viser la similarité des droits des uns et des autres mais leur équilibre mutuel afin d’éviter que l’interdépendance que ces droits structurent ne rende les uns vulnérables au pouvoir des autres. Cette redéfinition du droit de propriété permettrait ainsi d’atteindre une distribution équitable des pouvoirs.
Nous aboutissons in fine à l’affirmation de la copossession fondamentale du monde par la communauté civique composée d’égaux. Les droits distribués sur les choses doivent demeurer exempts de toute possibilité d’en faire un usage permettant la domination des uns sur les autres. Si ces droits limités sur les choses peuvent être privativement acquis, il est impératif que les choses, de leur côté, restent communes car soumises à une régulation assurant l’équité dans la distribution du pouvoir.
La République des biens communs
Ce qui fait la cohésion du corps politique, c’est seulement la conscience partagée de notre dépendance à l’égard de biens fondamentalement communs et dont nous avons un même intérêt collectif à prendre soin : depuis nos institutions publiques, qui rendent possible pour tous une vie pacifique, éduquée, en bonne santé, jusqu’aux biens communs naturels dont dépend notre subsistance individuelle et collective sur le long terme. La conscience de cette dépendance de chacun vis-à-vis des institutions collectives et de la nature n’exige en rien que nous ayons la même religion, les mêmes goûts, les mêmes habitudes, bref, la même identité, mais simplement que nous soyons disposés à entrer dans une discussion collective honnête au sujet de biens communs qui nous importent et sur les façons collectives de les prendre en charge de façon équitable. En ce sens, la chose publique qui fonde la république tient prioritairement au souci partagé que nous avons de certains biens (de ce fait communs) plutôt qu’à des valeurs et des identités partagées (plus souvent fantasmées que réelles d’ailleurs).
Parmi les biens communs, Pierre Crétois en distingue 3 catégories :
les biens communs qui appartiennent aux ressources socialisées : l’école, les bibliothèques, la justice, l’hôpital, autrement dit un certains nombre de services publics et ou de biens publics essentiels dont il faudrait interdire la privatisation, assurer leur gestion démocratique et les garantir comme biens communs, c’est-à-dire en tant que ressources collectivement financées et d’accès universel
les ressources naturelles : l’air, l’eau, les forêts, les paysages ruraux et urbains, etc. qui sont souvent les victimes collatérales des logiques propriétaires et qu’il s’agit de protéger pour éviter que l’usage des propriétés privées ne conduise à leur dégradation ou leur destruction
les biens privés en tant qu’ils sont copossédés, c’est-à-dire des biens privés susceptibles d’affecter la communauté toute entière ; par exemple : des cinémas d’art et d’essai, les usines pharmaceutiques ou l’agriculture ; il s’agit pour la collectivité d’avoir un droit de limiter le pouvoir des propriétaires et des employeurs pour préserver l’intérêt commun, y compris dans une logique à long terme
Pour ce faire, on pourrait traduire l’affirmation d’une copossession politique des choses sous la forme d’une assemblée de citoyens dont la compétence serait d’être la gardiennes des biens communs. Cette institution pourrait exercer un rôle de contrôle, en vérifiant notamment que les lois votées ne soient pas susceptibles d’avoir des effets néfastes sur les biens communs qu’elle aurait pour mission, également, de repérer et de délimiter. Elle pourrait être saisie par les citoyens et avoir un rôle de proposition et d’initiative de certaines lois. Elle pourrait être composée de citoyens tirés au sort, aidés par une audition d’experts et dont la responsabilité serait précisément d’assurer l’intégrité des biens communs. Évidemment, la préservation de cette intégrité suppose de reconnaître l’existence des droits fondamentaux de la communauté sur les ressources en général du fait de ce qu’il a de commun en elles, donc de remettre en cause l’ordre propriétaire.
Conclusion
J’ai envie de laisser le dernier mot à Pierre Crétois :
À rebours de l’histoire moderne et contemporaine de la propriété, l’urgence actuelle de la justice sociale et de la préservation de l’environnement nous oblige à redéfinir radicalement les droits de propriété sur la base d’une copossession du monde.
Zéro Janvier – @zerojanvier@diaspodon.fr
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