Zéro Janvier

Chroniques d'un terrien en détresse – Le blog personnel de Zéro Janvier

“Nous étions six – cinq garçons et une fille – insouciants, frivoles, joyeux, dans un été de tous les possibles. Pourquoi a-t-il fallu que l'un d'entre nous disparaisse ?”

S'inspirant d'une histoire vécue, Philippe Besson retrace un drame de sa jeunesse, survenu dans l'île de Ré, un soir de juillet, au milieu des années 80.

Il fut un temps où je surveillais attentivement la sortie des romans de Philippe Besson, je les achetais dès le jour de leur sortie, et je les dévorais très vite. C'était l'époque où je le nommais aisément comme mon romancier contemporain favori. Puis mon enthousiasme a diminué, après quelques romans moins réussis qui me donnaient l'impression que leur auteur tournait un peu en rond, sur le fond comme sur la forme. Pourtant, j'ai continué à lire chacun de ses romans, avec plus ou moins de bonheur.

C'est donc par une sorte d'habitude que j'ai lu ce nouveau roman de Philippe Besson, dont j'ai découvert la publication très tardivement. Le premier contact, par le résumé en quatrième de couverture, m'avait semblé prometteur. La lecture des premières pages m'a également rassuré, et j'ai finalement dévoré ce livre en une journée.

Tout n'est pas parfait, il reste quelques banalités, des tics de langage et un style parfois auto-caricatural, mais le récit est intéressant et j'ai retrouvé quelques fulgurances qui m'avaient tant plu dans les premiers romans de l'auteur. Ce n'est plus tout à fait le Philippe Besson de ses débuts, mais c'est tout de même bien meilleur que ses précédents romans.

C'est un peu triste à dire, mais Philippe Besson n'est jamais meilleur que quand il écrit sur ses obsessions : le manque, l'absence, le deuil.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Boy meets boy. Boys become friends. Boys fall in love. The bestselling LGBTQ+ graphic novel about life, love, and everything that happens in between: this is the fifth volume of the much-loved Heartstopper series.

Nick and Charlie are very much in love. They've finally said those three little words, and Charlie has almost persuaded his mum to let him sleep over at Nick's house ... But with Nick going off to university next year, is everything about to change?

Les aventures de Nick and Charlie se poursuivent dans ce cinquième album, avec des personnages toujours aussi attachants et un récit toujours aussi mignon, mais qui sait aussi aborder avec finesse des sujets difficiles, comme les troubles du comportement alimentaire et la santé mentale en général.

Le prochain album, le sixième, sera le dernier, et je dois dire que je suis impatient de le lire mais que cela risque également de faire un pincement au coeur de dire au revoir à Nick et Charlie, et à tous leurs amis.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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The Dawn of Everything est un ouvrage co-écrit par le regretté anthropologue David Graeber et l'archéologue David Wengrow, et publié en 2021, quelques mois après la mort de David Graeber.

A dramatically new understanding of human history, challenging our most fundamental assumptions about social evolution—from the development of agriculture and cities to the origins of the state, democracy, and inequality—and revealing new possibilities for human emancipation.

For generations, our remote ancestors have been cast as primitive and childlike—either free and equal innocents, or thuggish and warlike. Civilization, we are told, could be achieved only by sacrificing those original freedoms or, alternatively, by taming our baser instincts. David Graeber and David Wengrow show how such theories first emerged in the eighteenth century as a conservative reaction to powerful critiques of European society posed by Indigenous observers and intellectuals. Revisiting this encounter has startling implications for how we make sense of human history today, including the origins of farming, property, cities, democracy, slavery, and civilization itself.

Drawing on pathbreaking research in archaeology and anthropology, the authors show how history becomes a far more interesting place once we learn to throw off our conceptual shackles and perceive what's really there. If humans did not spend 95 percent of their evolutionary past in tiny bands of hunter-gatherers, what were they doing all that time? If agriculture, and cities, did not mean a plunge into hierarchy and domination, then what kinds of social and economic organization did they lead to? The answers are often unexpected, and suggest that the course of human history may be less set in stone, and more full of playful, hopeful possibilities, than we tend to assume.

The Dawn of Everything fundamentally transforms our understanding of the human past and offers a path toward imagining new forms of freedom, new ways of organizing society. This is a monumental book of formidable intellectual range, animated by curiosity, moral vision, and a faith in the power of direct action.

J'avais envie de lire ce livre depuis sa sortie, mais j'ai seulement pris le courage de commencer ce pavé cette semaine, après avoir beaucoup lu et beaucoup aimé The Utopia of Rules: On Technology, Stupidity, and the Secret Joys of Bureaucracy, un ouvrage précédent de David Graeber sur la bureaucratie.

J'ai très vite été happé ma ce livre, fasciné par ce que j'y lisais. J'ai été pris entre deux tentations : le dévorer et le savourer. J'ai essayé de maintenir un équilibre entre les deux. Il faut dire que le texte est dense mais surtout brillant et très stimulant.

Je ne pourrais pas synthétiser ici tout le propos développé par les deux auteurs au fil des 700 pages, mais si je devais le résumer en quelques mots, je dirais qu'ils critiquent les récits classiques sur le développement linéaire de l'histoire, du primitivisme à la civilisation, des bandes de chasseurs-cueilleurs aux États modernes. Ils défendent au contraire que les premières sociétés humaines étaient diverses et ont développé et expérimenté consciemment une grande variété de structures politiques.

C'est évidemment un propos qui met du baume en coeur en ces temps où nous sommes confrontés à des défis majeurs et où nous devons réinventer, volontairement ou contraints par les événements, nos structures politiques et des modes de vie en société.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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From the author of the international bestseller Debt: The First 5,000 Years comes a revelatory account of the way bureaucracy rules our lives

Where does the desire for endless rules, regulations, and bureaucracy come from? How did we come to spend so much of our time filling out forms? And is it really a cipher for state violence?

To answer these questions, the anthropologist David Graeber—one of our most important and provocative thinkers—traces the peculiar and unexpected ways we relate to bureaucracy today, and reveals how it shapes our lives in ways we may not even notice…though he also suggests that there may be something perversely appealing—even romantic—about bureaucracy.

Leaping from the ascendance of right-wing economics to the hidden meanings behind Sherlock Holmes and Batman, The Utopia of Rules is at once a powerful work of social theory in the tradition of Foucault and Marx, and an entertaining reckoning with popular culture that calls to mind Slavoj Zizek at his most accessible.

An essential book for our times, The Utopia of Rules is sure to start a million conversations about the institutions that rule over us—and the better, freer world we should, perhaps, begin to imagine for ourselves.

Contrairement à Dette, 5000 ans d'histoire qui m'était tombé des mains, j'ai trouvé cet ouvrage de David Graeber absolument fascinant et stimulant.

A travers une longue introduction suivie de trois essais sur la violence, la technologie, et l'attrait des règles, l'auteur nous parle de la bureaucratie, de la place qu'elle occupe dans nos vies, des critiques que nous en faisons, et des raisons qui nous la font accepter malgré tout.

L'ouvrage s'achève par un dernier essai particulièrement brillant où l'auteur analyse l'idéologie sous-jacente dans les oeuvres de super-héros et dresse en particulier une critique féroce mais pertinente du film The Dark Knight Rises de Christopher Nolan.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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The Dragon’s Blade est une trilogie de fantasy auto-éditée par l’auteur britannique Michael R. Miller, que j’ai eu l’occasion de découvrir sur l’excellente chaîne YouTube The Book Guy.

Je vais vous parler ici, dans l’ordre, des trois romans qui composent cette trilogie :

1. The Reborn King

Darnuir made terrible mistakes. Death is his redemption. His second chance is the world's last hope.

Dragons once soared in the skies, but that was before the Transformation, before they took human form. Now, demonic forces stand to obliterate them. When left mortally wounded, Darnuir, the Prince of Dragons, can only be saved through a dangerous rebirthing spell. He is left as a babe in human hands.

Twenty years later, Darnuir is of age to wield the Dragon's Blade. As the last member of his bloodline, he is the only one who can. He is plunged into a role he is not prepared for, to lead a people he does not know. Shadowy demons ravage his new home and the alliance between humans, dragons and fairies has fractured.

Time is short, for new threats and deadlier enemies are emerging...

Ce premier tome d'une trilogie de fantasy est sympathique, sans plus pour le moment. L'univers et l'intrigue sont très classiques, les personnages manquent un peu de profondeur, le récit est globalement plaisant mais j'attends beaucoup mieux du tome suivant.

Enfin, je dois dire que j'en ai un peu marre de ces héros et héroïnes qui finissent tous pas se révéler être issus d'une lignée royale. Alors quand l'auteur nous fait le coup trois fois dans le même roman, ça commence à faire vraiment beaucoup. D'une part, c'est tout de même un cliché particulièrement éculé dans la fantasy. D'autre part, idéologiquement, ça pue un peu.

2. Veiled Intentions

Rectar has always had his sights set on conquering the human lands. His demonic invasion of the west is gaining momentum – an unrelenting horde unhindered by food or sleep. Now, only the undermanned Splintering Isles lie between the demons and the human kingdom of Brevia. If the islands fall, the rest of Tenalp will soon follow.

The Three Races must work together if they are to survive, but they have another problem – Castallan. The traitorous wizard has raised a deadly rebellion and declared himself King of Humans. He believes himself safe in the bowels of his impenetrable Bastion fortress, but Darnuir, now King of Dragons, intends to break those walls at all costs.

To face these threats, all dragons, humans and fairies must truly unite; yet old prejudices may undermine Darnuir’s efforts once again. And as the true intentions of all are revealed, so too is a secret that may change the entire world.

Après un premier tome que j'avais trouvé divertissant mais très stéréotypé, j'ai trouvé celui-ci sensiblement meilleur. Le divertissement est toujours au rendez-vous, mais s'appuie cette fois sur des personnages mieux écrits, plus profonds, au service d'un récit qui gagne en richesse. Cela reste relativement classique, mais on sent que l'auteur a aiguisé sa plume au fur et à mesure de l'écriture de la trilogie. J'espère que cette tendance se poursuivra avec le troisième et dernier tome, que je vais commencer dans la foulée.

3. The Last Guardian

As winter wanes, the fragile bonds of the Three Races begin to break.

With Darnuir recovering from his addiction, and Blaine reclusive in the hallways of his Order, it falls to Lira to manage the mounting tension between the humans and zealous dragons before catastrophe strikes from within the city walls.

In Brevia, King Arkus unveils his new weapons to the Assembly of Lords, but is it a gift to his people or a threat? Cassandra fears it the latter and vows to curb her father’s new unchecked power that she herself helped to create.

And beneath the burned mountain of Kar’drun, Dukoona suffers at the hands of his Master. His one hope now lies in the crippled spectre Sonrid, who is forcing his broken body back to the mountain in order to play his part, or die, and be free from his pained existence.

Darnuir awakes weakened, and to an alliance on the brink. He must at last become the leader the dragons need but will he be too late to save his people, not just from Rectar, but from years of their own mistakes?

Le troisième et dernier roman de la trilogie commence sur un faux rythme, relativement lent. Les différents personnages semblent comme bloqués, s'interrogeant sur leurs prochains actions. Le rythme finit par s'emballer dans la seconde partie du roman, avec un joli final qui offre une belle conclusion à la trilogie.

Bilan de la trilogie

Globalement, cette trilogie présente quelques belles qualités, même si on sent que la plume de l'auteur était encore jeune et pouvait gagner en maturité. Je dois dire que je suis curieux de voir comment cette plume a évolué dans sa saga suivante, Songs of Chaos, que je lirai probablement quand elle sera complète.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Dans un style parfois aride, l'historien Johann Chapoutot nous raconte la vie de Reinhard Höhn, juriste et intellectuel technocrate du IIIe Reich et reconverti après guerre en enseignant puisqu'il fondera un institut de formation en management où passeront quasiment toute l'élite économique de la RFA depuis les années 1950 jusqu'aux années 1980.

Reinhard Höhn (1904-2000) est l'archétype de l'intellectuel technocrate au service du IIIᵉ Reich. Juriste, il se distingue par la radicalité de ses réflexions sur la progressive disparition de l'État au profit de la “communauté” définie par la race et son “espace vital”. Brillant fonctionnaire de la SS – il termine la guerre comme Oberführer (général) –, il nourrit la réflexion nazie sur l'adaptation des institutions au Grand Reich à venir – quelles structures et quelles réformes ? Revenu à la vie civile, il crée bientôt à Bad Harzburg un institut de formation au management qui accueille au fil des décennies l'élite économique et patronale de la République fédérale : quelque 600 000 cadres issus des principales sociétés allemandes, sans compter 100 000 inscrits en formation à distance, y ont appris, grâce à ses séminaires et à ses nombreux manuels à succès, la gestion des hommes. Ou plus exactement l'organisation hiérarchique du travail par définition d'objectifs, le producteur, pour y parvenir, demeurant libre de choisir les moyens à appliquer. Ce qui fut très exactement la politique du Reich pour se réarmer, affamer les populations slaves des territoires de l'Est, exterminer les Juifs. Passé les années 1980, d'autres modèles prendront la relève (le japonais, par exemple, moins hiérarchisé). Mais le nazisme aura été un grand moment managérial et une des matrices du management moderne.

Comme il l'indique clairement dans son introduction, le propos de Johann Chapoutot n'est pas d'affirmer que le management moderne est l'héritier de l'idéologie nazie, mais au contraire de montrer que celle-ci s'inscrit dans une pensée plus ancienne et dont on peut retrouver des éléments encore aujourd'hui.

Il y a notamment une notion parfaitement résumée par l'expression “Libres d'obéir” qui donne son titre au livre, qui consiste à donner des objectifs à un subordonné, le laissant ensuite libre de choisir les moyens pour l'atteindre. Ainsi, l'employé ou le cadre est tout à fait libre d'obéir, dans les limites des objectifs qui lui sont fixés par son supérieur hiérarchique. Ce modèle d'organisation a été imaginé dès les XIXe siècle par des stratèges militaires prussiens suite aux conquêtes napoléoniennes puis repris à leur compte par la hiérarchie nazie, puis dans l'école de management fondée par Reinhard Höhn.

Dans sa conclusion, l'auteur interroge plus généralement le lien de subordination qui lie le salarié et son supérieur hiérarchique dans le cadre d'un contrat de travail.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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C’est peut-être le discours le plus dynamique dans l’imaginaire contemporain de la gauche, mais ce qui fait son pouvoir d’attraction est aussi ce qu’il a de plus problématique. Car il nous promet la « vie sans » : sans institutions, sans État, sans police, sans travail, sans argent – « ingouvernables ».

La fortune de ses énoncés recouvre parfois la profondeur de leurs soubassements philosophiques. Auxquels on peut donner la consistance d’une « antipolitique », entendue soit comme politique restreinte à des intermittences (« devenirs », « repartages du sensible »), soit comme politique réservée à des virtuoses (« sujets », « singularités quelconques »). Soit enfin comme politique de « la destitution ».

Destituer, précisément, c’est ne pas réinstituer – mais le pouvons-nous ? Ici, une vue spinoziste des institutions répond que la puissance du collectif s’exerce nécessairement et que, par « institution », il faut entendre tout effet de cette puissance. Donc que le fait institutionnel est le mode d’être même du collectif. S’il en est ainsi, chercher la formule de « la vie sans institutions » est une impasse. En matière d’institution, la question pertinente n’est pas « avec ou sans ? » – il y en aura. C’est celle de la forme à leur donner. Assurément il y a des institutions que nous pouvons détruire (le travail). D’autres que nous pouvons faire régresser (l’argent). D’autres enfin que nous pouvons métamorphoser. Pour, non pas « vivre sans », mais vivre différemment.

J'aime bien Frédéric Lordon, mais ce livre est le moins bon que je lis de lui. Sous la forme d'un dialogue écrit, il réfléchit sur la notion d'institutions (étatiques, économiques, etc.) et en particulier leur nécessité ou non pour la vie en société.

Dans certains chapitres, il le fait en manipulant des concepts philosophiques que je n'ai pas eu le courage d'approfondir avec lui, passant rapidement de longues pages quasiment ésotériques pour moi. Dans d'autres chapitres, plus intéressants à mes yeux, il le fait plus concrètement, avec des exemples historiques ou actuels qui permettent de mieux saisir sa pensée.

Finalement, cela donne un livre contrasté, parfois passionnant et parfois totalement abscons. J'ai réussi à le terminer, mais au prix d'en avoir lu réellement qu'une grosse moitié, ce qui n'est pas bon signe.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Que faire des idéaux que sont l’internationalisme, le dépérissement de l’Etat et l’horizontalité radicale ? Les penser. Non pas sur le mode de la psalmodie mais selon leurs conditions de possibilité. Ou d’impossibilité ? C’est plutôt la thèse que ce livre défend, mais sous une modalité décisive : voir l’impossible sans désarmer de désirer l’impossible. C’est-à-dire, non pas renoncer, comme le commande le conservatisme empressé, mais faire obstinément du chemin. En sachant qu’on n’en verra pas le bout.

Les hommes s’assemblent sous l’effet de forces passionnelles collectives dont Spinoza donne le principe le plus général : l’imperium – « ce droit que définit la puissance de la multitude ». Cet ouvrage entreprend de déplier méthodiquement le sens et les conséquences de cet énoncé. Pour établir que la servitude passionnelle, qui est notre condition, nous voue à la fragmentation du monde en ensembles finis distincts, à la verticalité d’où ils tirent le principe de leur consistance, et à la capture du pouvoir. Il ne s’en suit nullement que l’émancipation ait à s’effacer de notre paysage mental – au contraire ! Mais elle doit y retrouver son juste statut : celui d’une idée régulatrice, dont l’horizon est le communisme de la raison.

Voici encore un livre très intéressant de Frédéric Lordon, même si je dois avouer que j'ai parfois dû m'accrocher pour suivre sa pensée quand il mobilise des concepts philosophiques de Spinoza, d'autant qu'il adopte par moments un style un peu abscons.

C'est brillant et intellectuellement très stimulant, j'ai d'ailleurs surligné des paragraphes entiers sur ma liseuse, mais j'ai parfois ressenti ce sentiment de culpabilité du pseudo-intellectuel qui réfléchit sur de grandes concepts et propose de belles idées pour repousser le moment de devoir s'atteler personnellement à les mettre en pratique, laissant la sale besogne à d'autres.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Dans cet essai de 2010 où il mobilise philosophie, sociologie, économie et politique, Frédéric Lordon s'appuie sur les pensées de Marx et Spinoza pour tenter de répondre à cette question centrale :

Comment un certain désir s'y prend-il pour impliquer des puissances tierces dans ses entreprises ? C'est le problème de ce qu'on appellera en toute généralité le patronat, conçu comme un rapport social d'enrôlement.

Marx a presque tout dit des structures sociales de la forme capitaliste du patronat et de l'enrôlement salarial. Moins de la diversité des régimes d'affects qui pouvaient s'y couler. Car le capital a fait du chemin depuis les affects tristes de la coercition brute. Et le voilà maintenant qui voudrait des salariés contents, c'est-à-dire qui désireraient conformément à son désir à lui. Pour mieux convertir en travail la force de travail il s'en prend donc désormais aux désirs et aux affects.

L'enrôlement des puissances salariales entre dans un nouveau régime et le capitalisme expérimente un nouvel art de faire marcher les salariés. Compléter le structuralisme marxien des rapports par une anthropologie spinoziste de la puissance et des passions offre alors l'occasion de reprendre à nouveaux frais les notions d'aliénation, d'exploitation et de domination que le capitalisme voudrait dissoudre dans les consentements du salariat joyeux.

Et peut-être de prendre une autre perspective sur la possibilité de son dépassement.

Commençons par le dire clairement : Capitalisme, désir et servitude n'est pas le livre le plus accessible de Frédéric Lordon. Même si l'auteur prend la peine de définir et d'expliciter les concepts philosophiques qu'il mobilise, le texte est parfois resté difficile à suivre pour le profane que je suis. Malgré tout, le propos est brillant et diablement intéressant.

Je suis donc embêté au moment d'écrire cette critique. L'auteur alterne entre un désir de vulgarisation et la difficulté à conserver une profondeur de réflexion sans perdre le lecteur. Le résultat est bon, mais pas toujours aisé à lire.

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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Everything for Everyone : An Oral History of the New York Commune, 2052–2072 est un livre co-signé par M.E. O'Brien et Eman Abdelhadi et publié en 2022 par l'éditeur Common Notions.

By the middle of the twenty-first century, war, famine, economic collapse, and climate catastrophe had toppled the world's governments. In the 2050s, the insurrections reached the nerve center of global capitalism—New York City. This book, a collection of interviews with the people who made the revolution, was published to mark the twentieth anniversary of the New York Commune, a radically new social order forged in the ashes of capitalist collapse.

Here is the insurrection in the words of the people who made it, a cast as diverse as the city itself. Nurses, sex workers, antifascist militants, and survivors of all stripes recall the collapse of life as they knew it and the emergence of a collective alternative. Their stories, delivered in deeply human fashion, together outline how ordinary people's efforts to survive in the face of crisis contain the seeds of a new world.

L'ouvrage se présente comme un livre d'histoire orale, la retranscription d'interviews fictives mais présentées comme réelles, dans le cadre la célébration des vingt ans de la fondation de la Commune de New-York. C'est donc un livre d'anticipation mais qui se présente comme le récit historique des vingt années qui ont changé le monde et la société, la fin du capitalisme et l'avènement d'une nouvelle ère où les citoyens se réapproprient leurs habitats, leurs activités, et leur vie en général.

J'ai beaucoup aimé ce jeu entre fiction et histoire, mais aussi les valeurs portées par le texte. Alors que l'actualité est chaque jour plus oppressante, que la vie sous le capitalisme hégémonique est toujours plus difficile à supporter, lire ce futur possible et désirable a été une bouffée d'air frais tout à fait bienvenue. Même si le retour à la réalité est difficile ...

Zéro Janvier@zerojanvier@diaspodon.fr

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